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28 nov. 2020

Les Enfants Whorgram 11.1 : Nuriaë

 Le voyage jusqu'à Nuriaë se déroula sans encombre et, après trois jours de marche, la fratrie se retrouva aux portes de la cité. Celle-ci était immense, les rues encombrées de marchands, de badauds, d'étals,... Toute cette agitation donnait le tournis aux jeunes gens, plus habitués au calme des grands espaces du royaume. Très rapidement, Ombeline stoppa ses frères dans un recoin un peu plus calme et discret.
-Attendez! Il faut que nous prenions des décisions sur ce que nous décidons de faire. Nous devons envoyer un message à Grand Père, nous loger, nous nourrir. Or nous sommes loin d'être riches et tout cela entraine des dépenses.
-Que proposes-tu alors?, demanda Réginald,
-Nous sommes désormais officiellement des enfants de la famille Whorgram. Même si nous avons plutôt l'allure de vagabonds... Mais nous sommes tout de même des nobles maintenant. Et si nous allions nous présenter au château du Protecteur Aerann pour lui demander son aide? Je pense que Grand Père a eu le temps de prévenir les familles nobles de notre existence et il avait insisté pour que l'on se présente pour ce que nous sommes désormais : ses petits enfants officiels!


-Ma foi, tu n'as pas tort, admit Barthélémius
-Ouais. Dormir chez des nobles, ça me va moi, ricana Datès
-Datès, s'il te plaît, tu feras attention à tes manières quand même, grinça Ombeline quelque peu inquiète,
-Nan mais ça va, tu me prends pour qui, répondit celui-ci, je sais me tenir quand même.
-Ne le prends pas mal mais... Hum... Le respect de l'étiquette n'est pas vraiment ton fort...
-Et toi si peut être?
-Déjà un peu plus quand même...
-Bon, arrêtez de vous disputer et avançons, les tança Réginald.
-Tu vas te présenter en tant qu'Ombelin ou Ombeline, demanda Barthélémius, curieux
-Si je me présente en tant que Whorgram, je n'ai pas le choix, je me présente en tant qu'Ombeline...

Il leur fallut une bonne heure pour parvenir jusqu'aux grilles du château. Ils y trouvèrent deux soldats montant la garde. Ombeline s'avança.
-Bonjour Messieurs,
-Bonjour, que voulez vous? répondit un des gardes d'un ton ferme
-Je suis Ombeline Whorgram, et voici mes frères, annonça-t-elle posément, en montrant le reste de la fratrie d'un large mouvement de bras, Nous sommes en mission pour le Seigneur Guearth Whorgram, notre grand-père, et nous souhaiterions avoir une entrevue avec le Seigneur Aerann.
-Veuillez attendre, leur intima le soldat avant d'aller parler à un de ses coéquipiers. 

Ils virent un des gardes partir vers le bâtiment principal tandis que le reste les observaient, dubitatifs. Après quelques dizaines de minutes, le garde revint et leur fit signe de les suivre. Il les conduisit jusqu'à un salon. En entrant dans la pièce, ils y découvrirent le maitre des lieux, le Seigneur Protecteur Aerann. Il était habillé simplement, mais avec des vêtements de grande qualité. Il dégageait une aura de calme et d'assurance. On sentait également qu'il était une personne assez terre à terre et peu porté sur le décorum. Cependant, le simple fait qu'il soit Protecteur du royaume suffisait à le marquer comme intelligent et stratège. Ce n'était pas une fonction que le Gardien donnait au hasard, elle se méritait. A ses cotés, assise dans un large fauteuil de velours, se tenait sa femme qui les regardait avec un mélange de curiosité et de bienveillance. Sur ces genoux, elle câlinait un jeune garçon d'une dizaine d'année avec énormément de tendresse. A cette vue, le cœur d'Ombeline se serra, ce spectacle lui rappelant tout ce qu'elle n'avait pas vécu dans son enfance, ainsi que la mort tragique de sa mère.  Le Seigneur Aerann les salua de la tête tandis qu'ils entraient. Chacun des jeunes Whorgram lui rendit poliment son salut, saluant également sa Dame. Ce fut elle qui entama la discussion.
-Bonjour jeunes gens, et bienvenue à Nuriaë.
-Bonjour Madame, répondit civilement Ombeline,
-Je suis Dame Malyani. C'est un plaisir de faire votre connaissance. Vous avez mentionné une mission auprès des gardes?
-Et bien... Oui.. Tout à fait. Nous sommes actuellement en mission sur les ordres de notre grand-père, le Seigneur Guearth Whorgram. Nous avons besoin de le contacter mais nous n'avons aucune idée de l'endroit où il se trouve actuellement...
-Mhmmm, nous n'avons pas eu de ses nouvelles depuis sa missive nous informant qu'il vous avait... retrouvé., annonça Dame Malyani avec une petite moue pensive, Il est probablement à Gavundia, la capitale. C'est là qu'il mène le plus gros de son travail.
-Serait-il possible d'utiliser un de vos oiseaux pour lui transmettre un message?
-Bien évidemment! Nous vous fournirons également du papier et de l'encre. Vous resterez diner avec nous ce soir n'est ce pas?
-Et bien... à vrai dire, hésita Ombeline avec un regard vers ses frères, nous aurions souhaité vous demander l'hospitalité, si cela n'est pas abuser.

Il y eu un échange de regard entre Dame Malyani et son époux, dans lequel Ombeline comprit que celle-ci demandait son assentiment à son mari. Ce dernier eut un très léger hochement de tête. Depuis le début de l'entrevue, il n'avait pas prononcé un mot, laissant le soin à sa femme de mener la conversation. Il y avait, dans la façon dont ils se regardaient tous les deux, sa manière à lui de poser sa main sur l'épaule de son épouse, l'évidence des sentiments qui les liaient. C'était un spectacle troublant pour Ombeline car totalement dissemblable à ce que les parents leur avaient montré toute leur enfance.
Très rapidement, Dame Malyani leur annonça que ce serait un plaisir de les avoir en leurs murs et qu'il était bien sûr hors de question qu'ils séjournent en auberge durant leur passage à Nuriaë.
Elle leur fit préparer des chambres individuelles. Quand Ombeline entra dans celle qui lui était réservée, elle eut la surprise d'apercevoir une tenue féminine complète qui l'attendait, délicatement posée sur un coffre au pied du lit. Cependant, ce qui la fit pousser un soupir de ravissement fut le grand baquet rempli d'eau chaude. On lui avait également laissé du savon, une brosse et d'épaisses serviettes pour se sécher. Elle ne mit pas longtemps à plonger dans l'eau chaude et propre et se lava à en avoir la peau rouge. Satisfaite, elle sortit du baquet et se sécha. Elle eut une grimace de dégout face au tas que formaient ses vêtements sales. Enveloppée dans la serviette douce, elle soupira en fixant la robe et les petites bottines à talons qui l'attendaient. N'ayant aucun autre vêtement propre, elle se résigna et s'habilla avec les habits que Dame Malyani avait gracieusement mis à sa disposition. On toqua à sa porte. Elle alla ouvrir et se retrouva face à un domestique qui l'avertit que le diner serait bientôt prêt. Avisant le petit tas sale au sol, il demanda poliment si elle souhaitait que ses vêtements soient lavés. Elle acquiesça en silence, un peu déroutée par ces attentions auxquelles elle n'était pas habituée.

Le diner se passa sans accroc. Datès se fit bien un peu remarquer par sa façon peu gracieuse de manger mais Dame Malyani eut vers lui un petit sourire amusé tandis que le Seigneur Aerann les ignora durant la quasi totalité du repas. Il n'était manifestement du genre à tellement apprécier les situations sociales. Ombeline remarqua bien les regards appuyés de la dame envers son demi-frère. Cette dernière avait manifestement compris qui, ou plutôt, ce que son demi-frère était. Même le seigneur Aerann était resté un instant saisi en voyant Datès entrer dans la salle à manger vêtu des vêtements élégants que son épouse avait fait mettre à sa disposition. Ombeline se fit intérieurement la réflexion que son demi-frère ressemblait sans doute trop à son géniteur pour son bien... Après le repas, ils passèrent dans un salon avec Dame Malyani tandis que le seigneur Aerann partait vaquer à ses occupations. Leur hôtesse s'installa confortablement au creux d'un profond fauteuil, faisant signe à des serviteurs de proposer des boissons aux personnes qui l'accompagnaient. Datès l'imita, s'enfonçant avec un sourire satisfait dans les coussins d'un fauteuil. Chacun se mit à son aise, Khordel et Lucian acceptant volontiers un verre d'alcool tandis que Barthélémius humait avec délice sa tasse de thé au miel. Il avait convaincu son jumeau de gouter à sa boisson fétiche, tandis que leur sœur avait accepté une simple tisane.
-J'espère que vous êtes bien installés et que tout est à votre convenance? Si ce n'était pas le cas, n'hésitez pas à demander aux serviteurs ce qu'il vous faut bien sûr., leur dit gentiment Dame Malyani
-Merci beaucoup, votre accueil est extrêmement généreux Madame, nous aurions mauvaise grâce de réclamer plus., lui répondit Ombeline avec juste ce qu'il fallait de décorum,
-Fort bien. Je dois vous avouer que la missive de votre grand-père n'a pas manqué de nous étonner, mon époux et moi même. Nous nous sommes demander si nous avions manqué une information de la part de votre père il y a quelques années.
-A vrai dire, notre ... père... a été plus que discret sur notre existence., avoua Ombeline en réprimant une grimace, Vous et votre époux n'avez rien manqué du tout. A ce propos, serait-il possible de lire la missive envoyée par notre grand-père?
-Bien sûr, déclara leur hôtesse en se levant.

Elle se dirigea vers un petit meuble dont elle ouvrit un tiroir. Elle en sortit une enveloppe qu'elle tendit à Ombeline avec un petit sourire malicieux. Ombeline prit la l'enveloppe et constata qu'elle était adressée spécifiquement au seigneur Aerann. Le fait que sa femme l'avait très clairement lu la surprit. Dame Malyani avait manifestement la pleine et entière confiance de son mari. Selon l'étiquette, nul autre que le seigneur n'aurait du avoir accès à cette lettre. Ce couple noble était décidément à l'opposé de ce que leurs parents leur avaient donné comme modèle. Un peu troublé, la jeune fille sortit la missive et commença à lire. Son grand-père y annonçait avoir retrouvé ses petits enfants perdus, les décrivant les uns après les autres, et donnant leurs prénoms. Seul Réginald n'était pas décrit et était annoncé comme encore recherché. En revanche, nulle mention de Datès n'apparaissait. Le vieux seigneur demandait ensuite au seigneur Aerann de bien vouloir aider ses petits enfants comme il l'aurait aidé lui même si ces derniers devaient venir à Nuriaë et demander assistance. A aucun moment le nom de leur géniteur n'apparaissait. Une fois sa lecture silencieuse achevée, Ombeline rangea la feuille dans l'enveloppe qu'elle rendit à Dame Malyani avec un remerciement. Celle-ci lui répondit d'un sourire et remit l'enveloppe dans son tiroir.
-Pardonnez-moi Dame Malyani, mais... Quand serait il possible d'envoyer notre message à notre grand-père? demanda pensivement Ombeline
-Oh mais dès à présent si vous le souhaitez. L'avez vous déjà rédigé mon enfant?
-Hum, pas encore.
-Et bien ma foi, vous pouvez la rédiger maintenant. Installez vous à ce bureau, vous y trouverez tout ce qui vous sera nécessaire.
-Oh... Merci beaucoup, la remercia Ombeline, un peu surprise.
Elle se leva et s'installa au bureau, remarquant au passage que Dame Malyani la regardait d'un air très bienveillant, presque maternel. Elle ressentait une admiration grandissante envers cette femme, si différente de sa mère. Ainsi il était possible à une femme noble de ne pas être soumise et effacée, subissant les humeurs d'un mari qu'elle n'avait pas choisi. Elle ne pouvait s'empêcher de ressentir de la confiance envers leur hôtesse qui les avait accueilli avec gentillesse et générosité. Elle gardait cependant à l'esprit que les terres Aerann jouxtaient celles de la famille Whorgram et que leur géniteur était un homme redouté. Ils devaient donc rester prudent.



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