Le lendemain matin, Ombeline remit sa nouvelle robe, toujours en grimaçant. Elle ne s'habituait décidément pas à ce vêtement encombrant. Les bottines, également, la gênaient et elle trébuchait régulièrement à cause des talons. Elle faisait cependant bonne figure, bien consciente que ses vieux vêtements ne convenaient pas dans cette situation. La fratrie n'avait pas d'autre choix que d'attendre la réponse de leur grand-père aussi chacun s'occupait comme il le pouvait. Si Ombeline passa quelques moments avec Dame Malyani, elle préféra malgré tout rester la majeure partie de la journée dans sa chambre, jonglant avec quelques fruits qu'elle avait à disposition. Cette activité la détendait mais là encore, ce genre de comportement n'aurait pas manqué d'attiser la curiosité déjà bien marquée de leur hôtesse. Elle croisa cependant Réginald et Datès dans un couloir. Son demi-frère se sentait pousser des ailes depuis qu'il avait de nouveaux vêtements.
-Eh, c'est la belle vie didonc chez les nobles hein!, lui lança-t-il en la voyant arriver
-Datès, s'il te plait, fais attention, les nobles peuvent assez vite se vexer, même si ça n'a pas l'air d'être le style de nos hôtes. Mais je t'en supplie surveille tes manières!
-Ben quoi mes manières?, demanda-t-il tout en stoppant un serviteur pour demander qu'on lui amène de quoi manger,
-Et bien.... Ce que tu viens de faire par exemple...
-Ben quoi?
-Et bien tu ne parles pas de façon très aimable aux serviteurs par exemple, répondit Réginald, agacé,
-Bah... C'est de la valetaille, ils sont là pour obéir non?
-Ça ne dispense pas de demander les choses avec un minimum de savoir-vivre. Et tu n'es PAS noble mon frère!, objecta la jeune fille, Je suis désolée d'être aussi brutale mais Grand-Père ne parle absolument pas de toi dans sa lettre. Il nous a tous décrit sauf Réginald. Mais il parle de Réginald. Ton nom n'apparait nulle part...
-Ouais mais c'est comme si j'étais noble, répliqua son demi-frère,
-Les nobles ne se comportent pas comme tu le fais...
-Quoi? Mais si! Ils donnent des ordres, et ils obtiennent tout ce qu'ils veulent. Moi aussi je veux avoir ce que je veux. Et regarde, moi aussi j'ai eu des vêtements!
Il conclut sa tirade en tournant sur lui même, ravi, pour faire admirer ses habits. Ombeline gémit intérieurement. Il allait leur attirer des ennuis.
-Ne t'attache pas trop à ces vêtements, on nous les a prêté, pas donné., le prévint-elle
-Hein? Mais... si on demande, elle va nous les donner, je suis sûr. Ils s'en foutent, c'est rien du tout pour eux.
-Datès ça ne se fait pas de demander une chose pareille!, s'alarma Ombeline
-Et pourquoi pas? Je suis certain que ça lui fera plaisir.
Un valet s'approcha de leur petit groupe et ils stoppèrent leur conversation et se dirigèrent vers un salon où ils retrouvèrent Dame Malyani. Ombeline s'installa confortablement dans une banquette, tandis que Réginald s'assoyait dans un large fauteuil. Seul Datès resta debout, un peu gauche, le regard fixé sur leur hôtesse. Ombeline le regarda avec inquiétude, craignant une bourde de sa part mais il finit par s'asseoir lui aussi.
-Merci beaucoup pour votre générosité Ma Dame. Soyez assurée que notre grand-père en sera informé, commença Ombeline en désignant de la main ses vêtements
-C'est un plaisir et bien le moins que je pouvais faire pour vous voyons. , répondit gracieusement Dame Malyani, Pardonnez ma curiosité mais, qui est cet homme qui voyage avec vous?, reprit-t-elle à voix basse vers Ombeline, Votre grand-père n'en fait pas mention dans sa lettre.
-Et bien..., commença prudemment Ombeline, C'est... Datès. Notre grand père l'a engagé pour nous aider dans notre mission.
-Vraiment? Il me semble qu'il m'évoque quelqu'un. Vous serait-il lié d'une façon ou d'une autre?
-Ma foi, il vous faudra le demander au seigneur Guearth. C'est lui qui sera le plus à même de répondre à vos questions, esquiva la jeune Whorgram, refusant de mordre à l'hameçon
Dame Malyani lui répondit avec un petit sourire, la malice pétillant dans ses yeux. Il ne faisait aucun doute pour Ombeline qu'elle avait compris qui était réellement Datès mais la bienséance l'empêchait d'insister davantage. Voyant que les deux femmes l'observaient, ce dernier se racla la gorge et Ombeline se crispa, sentant qu'il allait parler.
-Chère Dame Malyani, entama-t-il d'un ton involontairement obséquieux, je ne peux que vous adresser mes plus vifs remerciements pour les gestes généreux que vous avez eu à notre égard.
Son interlocutrice le salua d'un gracieux signe de tête, sans mot dire, très clairement amusée par son discours tandis qu'Ombeline le regardait, effarée et que Réginald s'étranglait à moitié avec son verre de vin.
-J'aurai souhaité savoir si, dans votre infinie bonté, il serait... disons... possible... de garder ces splendides vêtements..., poursuivit-il, sous le regard horrifié de sa demi-soeur qui avait visiblement pâli.
Mais Dame Malyani se contenta d'accepter d'un hochement de tête avec un doux sourire, sans relever les manières déplacées de Datès.
-Oh, merci, merci infiniment Ma Dame, remercia Datès, en tentant un salut maladroit tandis qu'Ombeline gémissait intérieurement.
Laissant Datès à sa joie, Dame Malyani se tourna vers la jeune fille. Ombeline comprit que la dame avait remarqué leur tenue, leur allure et avait décidé de les aider. Elle avait très certainement cerné la réalité de leur position : de jeunes nobles, nouvellement reconnus, cachés au monde jusque là et sans le sou. Pour une raison qui lui appartenait, elle semblait avoir pris en affection la fratrie, tout particulièrement Ombeline, et avait décidé de les aider dans la mesure de ses possibilités. Assurément, les quelques vêtements qu'elle leur avait donné ne représentait pas grand chose pour elle et cela lui faisait effectivement plaisir de les leur offrir.
Le lendemain, Datès décida de sortir du château pour visiter les échoppes de Nuriäe. Ombeline refusa de l'accompagner, sentant que cela n'amènerai que querelles entre elle et son demi-frère. C'est donc Réginald qui se résolut à servir de "chaperon" à ce dernier en espérant l'empêcher de commettre des bourdes. Tandis qu'Ombeline se détendait dans un bon bain, les deux frères se mettaient en route pour le quartier commerçant de la cité.
-Bon... Et où veux tu aller Datès, questionna Réginald
-Chez un forgeron. Je veux une épée.
-Une épée? Ça coute cher, tu es sûr que tu as de quoi te payer une telle arme?
-Bah... sinon je demanderai à Dame Malyani. Je compte bien les presser comme des citrons et profiter autant que possible de ses largesses.
-DATES! Tu ne peux PAS faire ça!
-Allez... Je suis sûr qu'ils s'en fichent. De l'argent ils en ont plein!
-Quand bien même, tu ne peux pas demander des choses à la famille Aerann! Soit déjà content de ce que tu as obtenu!
-Et pourquoi je me contenterai que de ça? Les nobles, ça a tout ce que ça veut. Alors moi aussi, je veux avoir tout ce dont je rêve!, contesta Datès, les sourcils froncés
-Bon sang! Ces habits te montent à la tête! Mets toi bien ça dans le crâne, tu n'es PAS noble! Et quand bien même tu le serais, il est des choses qui ne se font pas!, s'énerva Réginald.
-Ouais ouais, bon, c'est là, répliqua Datès en ignorant les arguments de son demi-frère,
-On entre mais par pitié, comporte toi CORRECTEMENT!
Datès ne se donna pas la peine de répondre et entra d'un pas ferme.
-Bonjour Messire, l'accueillit le forgeron, que puis-je pour vous?
-Et bien je cherche une épée,
-Une épée? Et bien vous êtes au bon endroit pour ça, dame! Tenez, regardez celle-ci, testez son équilibre!, s'exclama l'artisan en lui tendant une épée longue, Ce n'est peut être pas la plus jolie, mais pour sûr qu'en cas de grabuge, elle sera bigrement efficace!
-Mhmmm..., marmonna Datès en observant la lame, les yeux brillants, et combien coute-t-elle?
-120 pièces d'or Messire, un prix plus qu'honnête pour une telle arme.
-120..., s'étrangla Datès alors que dans son dos, Réginald affichait un sourire narquois, C'est un peu trop pour moi mon brave.
-Ah c'est que c'est du bel ouvrage! Le métal coute cher et forger une lame comme celle-ci demande du temps et de l'expérience.
-Vous ne pourriez pas me consentir un.. disons un rabais?, tenta Datès, Je connais très bien le seigneur Aerann vous savez.
-Seigneur Aerann ou qui que ce soit, cette arme vaut 120 pièces, maintint le forgeron en haussant les épaules,
-Bon et sinon... qu'avez vous de moins ... onéreux?
Derrière lui, Réginald soupira ostensiblement.
-Ma foi... j'ai cette épée courte à 35 pièces d'or, beaucoup plus simple, sans fioriture mais au tranchant impeccable., proposa le forgeron en voyant Datès grimacer légèrement.
-Mhmmmm, hésita-t-il
-Bon ben vous achetez ou pas?
-Je vais aller faire un tour dans les autres échoppes alentours et je reviens.
-Comme vous voulez, mais je vais pas vous attendre, si quelqu'un veut m'acheter une de ces armes, tant pis pour vous.
Datès sortit de la boutique sans faire de commentaire. Il ne mit pas longtemps à entrer dans une nouvelle échoppe, un tailleur cette fois-ci.
-Bonjour Messire, je peux vous aider?
-Ma foi oui, je voulais savoir combien vous me donneriez pour ce foulard, demanda Datès en ôtant le foulard offert par Dame Malyani. A coté de lui, Réginald s'étrangla.
-Datès enfin, tu ne peux pas faire ça!
-Je vais me gêner! C'est MON foulard, j'en fais bien ce que je veux!
-Mais enfin tu ne peux pas vendre quelque chose qu'on vient de t'offrir !
-Mais bien sûr que si, regarde.
Se tournant vers le tailleur qui les observait d'un air un peu étonné, il reposa sa question :
-Alors? Combien?
-Et bien... Faites moi voir ceci.... Hum, c'est un très beau foulard que vous avez... Je vous en offre.... Mhmmm.... 12 pièces d'or.
-Vous ne monteriez pas jusque 15?
-Non... 12 pièces.
-Bon... Bon bah c'est d'accord, bougonna Datès.
L'échange eut lieu et sitôt ses nouvelles pièces en poche, Datès se dépêcha de retourner chez le forgeron.
-Ah bah vous revoilà? Vous avez fait vite. Bon, vous achetez ou pas? Nan parce que j'ai une petite boutique moi et là vous empêcher des clients potentiels de rentrer...
-Elle est toujours là votre épée courte?
-L'épée courte? Oui tout à fait. Je savais bien qu'elle vous plaisait bien!
-Très bien, je vous la prends.
-Ah! Parfait! Elle est fournie avec un fourreau de cuir. Tenez!
Datès paya sa nouvelle arme et sortit, ravi comme un enfant. Réginald, à coté de lui, tirait une mine sombre comme un soir d'orage.
-Ah bah je suis bien content!, s'écria Datès
-Et bien j'espère... Franchement tu me fais honte...
-Mais quoi?
-Tu te prétends noble mais tu te comportes surtout comme un... un... J'en perds mes mots tiens!
-Bah, je suis sûr que tu es juste jaloux parce que j'ai une épée neuve et pas toi. Hin hin hin!
-Jaloux?!? Moi Jaloux?!? Que veux tu que ça me fasse? Ce sont tes manières qui m'irritent! Rha, tu me fatigues! Allez, on rentre!
Pendant que ses deux frères trainaient en ville, Ombeline profita du baquet présent dans sa chambre en se prélassant dans de l'eau délicieusement chaude. Elle finit par en ressortir et, alors qu'elle finissait de s'habiller, un serviteur vint toquer respectueusement à sa porte.
-Ma Dame, Dame Malyani demande à vous voir. Elle vous fait dire qu'elle a reçu un message pour vous., lui annonça le valet à travers le panneau de bois
-Oh. Très bien, j'arrive tout de suite.
Ombeline suivit le valet dans les couloir jusqu'à un charmant petit salon où leur hôtesse l'attendait.Celle-ci l'accueillit avec son sourire chaleureux, presque maternel, qu'elle avait à chaque fois qu'elle passait du temps avec la jeune fille.
-Ah vous voilà ma chère, nous avons reçu une réponse à votre message.
-Puis-je la lire?
-Oui bien sûr, répondit la dame en sortant d'une grande enveloppe déjà ouvert, une lettre cachetée avec le sceau des Whorgram et adressée à la fratrie
Ombeline déchiffra la réponse de son grand père, écarquillant les yeux au fur et à mesure de sa lecture. La fratrie n'était rien de moins que convoquée par le vieil homme à Vaubaniel, une cité centrale du royaume. Ombeline se tourna vers leur hôtesse.
-Notre grand-père nous convoque à Vaubaniel, lui confia-t-elle d'un ton inquiet
-Oui, il a également convoqué mon époux. En réalité, je pense qu'il a convoqué toutes les familles, y compris votre père. Le Gardien sera lui aussi présent. Sa démarche est surprenante et pour le moins, inédite, affirma Dame Malyani avec un regard inquisiteur.
-Je... Je n'ai aucune idée de ce que notre grand-père prépare Ma Dame, balbutia Ombeline, bouleversée par la nouvelle.
-Nous devons être à Vaubaniel dans dix jours, mon époux est en ce moment en train de prévoir le temps de trajet, le jour du départ, ce genre de chose.
-Oh... Euh... Pourrons nous voyager en votre compagnie, mes frères et moi? Sans cela, j'ai peur que nous ne puissions arriver à temps...
-Bien évidemment, c'est de toute façon ce que nous comptions faire et également une demande de votre grand-père.
-Merci beaucoup encore une fois, souffla Ombeline avec soulagement, Si vous le permettez, je vais informer mes frères de la tournure que prennent les évènements.
-Bien sûr. Nous ne partirons probablement pas avant 5 jours., affirma Dame Malyani, tentant de rassurer la jeune fille.
Ombeline sortit sans attendre et se mit immédiatement en quête de ses frères. La situation devenait de plus en plus périlleuse et leur grand père ne leur avait laissé aucune indication de ce à quoi s'attendre.
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