Ombeline réussit rapidement à regrouper l'ensemble de ses frères dans un petit salon et leur communiqua la "réponse" de leur grand-père. Barthélémius fit la grimace.
-Tout ceci ne me dit rien qui vaille. J'imagine que Grand-Père ne pouvait pas donner plus de détails par écrit mais j'aurai apprécié de savoir à quoi nous devons nous attendre. Cette convocation m'évoque un procès. Mais de qui et pourquoi?, grinça-t-il
-Je ne sais pas. Dame Malyani m'a questionné aussi. Elle en sait beaucoup plus que ce qu'une épouse le devrait. C'est aussi étonnant qu'elle ai accès aux lettres privées de son époux. Manifestement, il lui fait pleinement confiance pour gérer bien plus que l'organisation du château..., répondit Ombeline d'un ton songeur,
-C'est une fine mouche, admit Réginald, J'ignore à quel point nous pouvons lui faire confiance...
-Je lui fais confiance moi, déclara sa sœur, Elle n'a fait que nous aider depuis notre arrivée. Je pense qu'elle a compris bien des choses, notamment sur Datès. Et elle a l'air de réellement vouloir notre bien...
-Elle a compris des choses sur moi?, s'étonna le grand gaillard
-Il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour comprendre certaines choses te concernant, rétorqua Balgor
-Tu ressembles beaucoup trop à ton géniteur, mon frère, expliqua Ombeline, quiconque le connait peut comprendre qui... ou plus exactement... ce que tu es. Fais attention, cela peut être dangereux.
-Bah.. Je sais me défendre! Et j'ai une ÉPÉE maintenant!
-Encore faut-il savoir la manier correctement, ricana Lucian,
-Bon... Il ne sert à rien de nous faire des nœuds au cerveau. Nous n'avons pas d'autre choix que de répondre à cette convocation et d'attendre de voir ce qu'il en ressortira. En attendant, je pense plus prudent de rester... discret..., conclut Barthélémius avec un regard équivoque à Datès et Khordel, tandis que Réginald se raclait la gorge ostensiblement en fusillant son demi-frère des yeux.
Les quelques jours les séparant du départ passèrent lentement. Ombeline les passa à observer l'entraînement des soldats de Nuriaë ainsi que Khordel, Lucian et Balgor qui s'exercèrent également, tentant de comprendre certains mouvements et de les reproduire ensuite dans sa chambre. Datès lui, mangea beaucoup, profitant de la disponibilité continue en nourriture pour s'empiffrer tandis que Réginald et Barthélémius se reposèrent et profitèrent du confort de la maison Aerann. Enfin ils se mirent en route. Ombeline avait remis ses vêtements de voyage, prête à argumenter qu'elle ne voulait pas prendre le risque s'abimer sa robe si on lui faisait une remarque mais personne ne lui dit rien. Elle décida, de même que Balgor, Lucian et Khordel, de faire la route à cheval. Réginald, avec sa jambe en bois, opta prudemment pour un voyage en chariot. Il fut rejoint par Barthélémius et Datès qui préférèrent également le confort du chariot à la selle dure d'une monture.
La troupe, conséquente, car le seigneur Aerann qui voyageait avec sa dame et son fils s'était entouré d'une escorte propre à assurer la sécurité de sa famille.
Ils arrivèrent à Vaubaniel la veille du jour cité dans la convocation. La cité fourmillait d'animation, des nobles et des soldats visibles à pratiquement tous les coins de rues. Les marchands, aubergistes et taverniers se frottaient les mains devant cette occasion inespérée.
Le Seigneur Protecteur Aerann avait fait réserver une auberge pour tout leur groupe. Les soldats seraient logés dans la salle commune tandis que la famille noble et les jeunes Whorgram résideraient à l'étage, dans les chambres. Alors que la fratrie finissait de s'installer, Dame Malyani les fit demander. Ils la rejoignirent dans un boudoir spécialement préparé pour la Dame et sa suite. Elle y était seule et les attendait, tranquille comme à son habitude et leur fit signe de s'asseoir à leur guise.
-Mes chers, je me dois de vous prévenir que de très nombreux nobles, notamment des protecteurs, sont présents en ville actuellement. Votre propre père et ses partisans notamment, sont là. Je n'ai, bien sûr, pas à vous commander mais si je puis me permettre un conseil... je pense que vous seriez sages de rester... discrets.
-Discrets?
-Disons qu'il serait... fâcheux... que l'on vous reconnaisse, précisa-t-elle avec un regard appuyé envers Datès,
-Oh... très bien... Ma foi nous pouvons facilement nous accommoder d'une soirée au calme dans cette auberge je pense, assura Barthélémius alors que Datès se renfrognait légèrement
-Je pense que ce serait fort avisé de votre part en effet, acquiesça la dame, Sur ce, je vous laisse, j'ai moi même à me préparer pour la journée de demain.
Une fois qu'elle fut sortie, Ombeline se tourna vers Datès.
-Datès, je pense qu'il ne faut pas que tu sortes de cette auberge d'ici à la convocation,
-Hein? Mais s'il suffit d'être discret je mettrai un capuchon, ça suffira bien! Je voulais sortir moi, aller vider un godet ou deux quelque part!, râla-t-il
-Je vais être très claire, tu n'es pas noble, mais moi je le suis. Fais seulement mine de te diriger vers la sortie et je donne l'ordre aux gardes de t'obliger à rester dans le bâtiment!
-Quoi?!? Tu ne ferais pas ça quand même!, s'étrangla Datès
-Si ça peut t'éviter de te mettre en danger, ou de nous mettre tous en danger, je n'hésiterai pas une seule seconde...
-Mais...
-Elle a raison Datès, renchérit Barthélémius, tandis que Réginald opinait de la tête, et si tu veux juste vider des godets ou manger, et bien... tu es dans une auberge, tu peux très bien le faire d'ici...
Datès avait la mine sombre mais acquiesça et la fin de journée se déroula sans encombre.
Le lendemain matin, chacun s'apprêta pour répondre à la convocation lancée par le vieux seigneur Whorgram. Ombeline se résigna à remettre sa robe et ses bottines, sentant que l'importance de l'évènement nécessitait un tant soit peu de décorum. Elle avait vu juste et, en descendant dans la salle commune rejoindre le couple Aerann et ses frères, elle constata que tous, même le Seigneur Protecteur, pourtant peu porté sur l'étiquette, avaient revêtu leurs plus beaux vêtements Ils se mirent en route et après une trentaine de minutes de marche, arrivèrent au château du Seigneur Protecteur local : le Seigneur Enoas. Ils furent escortés jusqu'à une grande salle déjà bien remplie de différentes familles nobles. En fait, il semblait que toute la noblesse du Locquendech était présente, non seulement les grandes familles mais également les familles de moindre importance, toutes étaient représentées. Ombeline et ses frères étaient nerveux. Ils ne savait pas du tout à quoi s'attendre et la proximité d'une telle compagnie ne faisait rien pour les calmer. Dame Malyani leur adressa un sourire rassurant.
A l’extrémité de la salle, on avait dressé une estrade sur laquelle étaient disposés un trône, une table et quelques chaises de bois. Le seigneur Enoas s'y tenait déjà, prêt à présenter les différents partis impliqués dans l'affaire qui les réunissaient tous.
Soudain, il tapa trois fois du pied sur le bois de l'estrade, ses coups résonnant dans la pièce et amenant peu à peu un silence relatif.
-Seigneurs Protecteurs : le Gardien Noreldon!, annonça-t-il d'une voix de stentor, claire et vibrante.
Le silence se fit immédiatement dans la pièce tandis qu'un homme richement vêtu, la cinquantaine bien entamée, s'avançait et prenait place sur le trône.
-Seigneurs Protecteurs : le Seigneur Guearth Whorgram!
Et ils virent leur grand-père s'avancer, le dos droit, le regard fier, manifestement entièrement dans son élément.
-En tant qu'hôte de cette assemblée, je déclare la séance ouverte!, continua le seigneur Enoas, Nous sommes ici à la requête du seigneur Guearth Whorgram afin d'examiner et de statuer sur une affaire grave, auquel le royaume doit faire face. Seigneur Guearth, veuillez présenter votre requête!
Leur grand père s'avança alors vers le bord de l'estrade. Dans la fratrie, chacun réagit à sa façon. Ombeline lissa nerveusement le devant de sa jupe, Datès fronça les sourcils, les poings serrés, Barthélémius se mordillait la lèvre. Réginald était entièrement concentré sur le visage de Guearth. Lucian ne laissait transparaitre sa nervosité que par le mouvement de ses doigts sur ses bras croisés, tandis que Khordel semblait chercher quelqu'un dans la foule. Balgor se donnait une contenance en s'adossant à un mur, fouillant lui aussi la foule des yeux.
Le vieux seigneur toisa l'assemblée, le visage dur et commença :
-Seigneurs Protecteurs, si je vous ai demandé, à tous, de venir ici aujourd'hui, c'est qu'il nous faut répondre à un problème grave auquel doit faire face notre royaume aujourd'hui. Je veux parler du problème posé par Mungrind Whorgram, le fils ainé et héritier d'Hagrim Whorgram. Le Protecteur Whorgram, en temps que père de Mungrid, avait le devoir de cadrer son héritier et de résoudre le problème que ce dernier a provoqué envers notre royaume! Mungrid Whorgram, un certain nombre d'entre vous le sait déjà, a entrainé des difficultés politiques tant intérieures qu'extérieures, NOTAMMENT AVEC L'AESERIA. J'ai personnellement, en tant que chef de la famille Whorgram, intimé à mon fils de prendre des mesures pour préserver l'honneur de la famille et envers une épouse qui a mis à mal leur mariage, la succession,...
Je me dois aussi de vous faire part d'un problème plus personnel, de la douleur qui est la mienne de savoir que, dans ma PROPRE famille, des enfants, des fils et des filles Whorgram, ont été abandonné et n'ont pas eu la reconnaissance que nous leur devions. C'est une souffrance pour moi et un déshonneur pour ma famille que mon propre fils ait ainsi failli à ses enfants!
Pour toutes ces raisons, je demande la DESTITUTION de mon fils, Hagrim Whorgram, de ses postes et responsabilités!
A ces mots, un brouhaha éclata parmi la foule. Tout le monde était choqué de la demande du vieux seigneur. Les jeunes Whorgram ne savaient pas du tout comment réagir à cette annonce qui avait fait l'effet d'un coup de tonnerre parmi l'ensemble des nobles présents.
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