Après quelques heures de marches, le groupe arriva près d'une mare. Hunguiot donna le signal pour une halte et entreprit de remplir son outre d'eau. Il semblait attendre quelque chose. Ombeline décida de l'imiter et de remplir sa propre outre à son tour tandis que Datès explorait un peu les abords de la mare jusqu'à un grand saule pleureur dont les branches retombaient en pluie au dessus de la petite étendue d'eau. Barthélémius s'assit au sol avec un soupir fatigué, imité par Réginald.
-Qu'attend-on?, demanda impatiemment Lucian
Mais le vieux soldat ne lui répondit pas.
Soudain, ils entendirent des cris venant du sud. La fratrie s'entre-regarda, hésitante sur la réaction à avoir. Ombeline, voyant Hunguiot qui ne bougeait pas et affichait même un petit sourire, décida de calquer son attitude sur celle du vétéran. Après tout, il était le seul à avoir une idée de ce qui les attendait.
Des cris se firent alors entendre venant de toutes les directions. Nerveusement, Ombeline posa la main sur la garde de ses glaives. Lucian et Khordel firent de même, ainsi que Balgor. Elle vit du coin de l’œil que Datès, près du saule pleureur, cherchait un endroit où se mettre à couvert. De leur coté, Barthélémius et Réginald s'étaient relevés. Ombeline jeta un regard à la dérobée sur Hunguiot et constata qu'il ne bronchait toujours pas et ne faisait pas mine de toucher à ses armes. C'est à ce moment qu'elle vit des pictes arriver en hurlant et en courant vers eux, brandissant des massues. Dans un réflexe, elle commença à dégainer mais, constatant qu'Hunguiot restait stoïque face à la charge, elle changea d'avis et, laissant ses glaives au fourreau, elle croisa posément les bras sur sa poitrine, cachant efficacement les tremblements nerveux de ses mains.
Elle vit que ses frères avaient pris la même décision, à l'exception de Barthélémius qui fourrageait dans son sac.
Leurs assaillants se rapprochaient dangereusement, courant à pleine vitesse, vociférant, leurs armes brandies au dessus de leurs têtes. Il fallut à Ombeline toute la volonté qu'elle avait pour ne pas céder à la peur et ne pas se saisir de ses armes. Elle s'ancra le plus possible au sol meuble sous ses pieds et se prépara pour l'impact. Le premier de leurs agresseurs était désormais à deux mètres d'Hunguiot qui ne souriait plus et au contraire fronçait les sourcils, suivi de près par un deuxième picte qui, lui, se dirigeait vers Ombeline.
Soudain, Barthélémius brandit triomphalement un de ses cailloux qu'il venait de sortir de son sac et, d'un mouvement fluide, le lança en direction d'un des pictes qui se dirigeait vers Hunguiot. Le projectile, après une belle parabole dans les airs, toucha sa cible en pleine tête, l'arrêtant net dans son élan. Après avoir secouer la tête, il repartit derechef vers Hunguiot tandis que le jeune homme cherchait un nouveau caillou au fond de son sac. Un deuxième projectile vola dans les airs, touchant un second picte avec le même effet. Furieux et étourdi, l'homme regarda autour de lui et repéra Barthélémius. Dans un beuglement enragé, il se précipita dans sa direction. Ce dernier tenta de lui relancer une troisième pierre mais cette fois, son assaillant était sur ses gardes. Il vit le projectile arriver et l'évita sans peine et sans ralentir.
D'un coup, les pictes arrivèrent au contact et, dans un mouvement impressionnant, s'arrêtèrent face à une des personnes du groupe sans la toucher, stoppant leur avancée au dernier moment. Ombeline et Hunguiot se retrouvèrent chacun face à un picte hurlant,les yeux étrangement rouges, le regard dément. Hunguiot ne bougea pas d'un pouce et se contenta de regarder son adversaire les yeux dans les yeux sans se montrer impressionné. Ombeline réussit à lutter contre son instinct et tint tête elle aussi à l'homme écumant qui lui faisait face, clignant juste des paupières et fronçant le nez contre l'haleine épouvantable de son adversaire. Datès de son coté avait réussi à surprendre le picte qui lui fonçait dessus en faisant un pas en avant. Sous le choc, l'homme recula de quelques pas, un peu secoué mais le répit ne dura que quelques secondes. Barthélémius était en plus mauvais posture. Il avait tenté de se défendre avec sa hache mais, peu habitué à manier les armes, il s'était fait surprendre par son opposant qui lui avait saisi le poignet d'une main de fer et lui tordait désormais le bras dans le dos. Il fut contraint de s'agenouiller et de lâcher son arme.
Complètement dépassé en nombre, le petit groupe fut bientôt désarmé, chacun d'entre eux, entouré de quatre, cinq, voire six ennemis qui, les bousculant, les obligèrent à avancer dans la direction voulue. Hunguiot, s'il ne se débattit pas, affichait désormais un air soucieux ce qu'Ombeline trouva particulièrement inquiétant. Les pictes les avaient également délestés de leurs sacoches et s'étaient accaparés le sac d'Hunguiot.
Ils furent emmenés jusqu'à un réseau souterrain dans lequel ils s'enfoncèrent, toujours sous bonne escorte. Hunguiot fut emmené dans un tunnel sombre tandis que la fratrie était dirigée dans une autre direction. On finit par les pousser dans une petite grotte obscure et vide dont l'entrée fut gardée par deux pictes musclés, armés de lances.
N'ayant rien d'autre à faire, chacun s'installa le plus confortablement possible. Ombeline se rapprocha de la sortie, guettant les réactions des gardes mais ceux-ci l'ignorèrent tant qu'elle ne s'approcha pas trop. Quand ils croisèrent leurs lances pour lui bloquer le passage tout en lui adressant quelques mots dans une langue qu'elle ne comprit pas, elle recula et retourna s'asseoir au fond de la grotte. De guerre lasse, elle se mit à chanter une balade mélancolique, sans plus de réaction de la part de leurs gardiens.
Au bout d'un certain temps, ils entendirent un bruit de coques végétales qui s'entrechoquent. Le bruit sembla se rapprocher et, intrigués, ils relevèrent la tête en direction de l'entrée.
Derrière leurs geôliers, un homme apparut. Il était, comme tous les hommes qu'ils avaient croisés jusque là, vêtu d'un pagne de peau. Mais il portait en plus un gilet, également en peau, que ne portaient pas les pictes qu'ils avaient croisés jusque là. Dans ses mains, il tenait un étrange bâton aussi haut que lui, au sommet duquel étaient attachés un mélange de petites noix et d'ossements. Il n'avait pas l'allure sauvage, primitive, de ceux qui les avaient capturés. Son teint était pâle, sa peau vierge de tout tatouage et il n'avait pas le regard possédé des pictes qu'ils avaient vu jusque là. Il passa entre les deux gardiens qu'il regarda d'un air timide, presque apeuré et vint vers eux.
L'homme, qui leur parut anormalement vieux de visage par rapport à sa démarche, s'avança en souriant.
-Bonjour, dit-il tout simplement en locquedocien,
-Hum... Bonjour?, répondit Barthélémius d'un ton incertain,
-Qui êtes vous?, demanda, beaucoup plus abruptement Datès,
-Mon nom est Groargaka, annonça tranquillement l'homme
-Groar...?, répéta Lucian en ouvrant des yeux ronds
-Groargaka, répéta l'inconnu,
-Excusez moi, mais vous n'avez pas une tête à vous appeler ainsi..., intervint Ombeline sans prendre de gants,
-J'ai porté un autre nom en effet, répondit l'homme avec un doux sourire, mais je l'ai effacé de ma mémoire.
-Ah...
Un silence pesant flotta dans l'air.
-Nous sommes ici pour voir Mungrid Whorgram., annonça Barthélémius
-Le roi vous recevra bientôt, repondit l'étrange individu
-Le roi?, demanda Barthélémius
-Oui, il est impatient de vous rencontrer, continua gaiement Groargaka, Il est bien évidemment au courant de votre présence ici. Vous mangerez avec nous ce soir.
-Et Mungrid?, demanda Ombeline qui n'était pas sûre d'avoir bien compris le sous entendu,
-Il a renoncé à ce nom. C'est Le Roi, désormais.
-Ah..., commenta sobrement Barthélémius
-Venez, suivez moi, il est temps d'y aller.
Sans un commentaire, péniblement conscients que, désarmés, ils étaient entièrement à la merci de l'étrange peuple qui les avait capturés, ils suivirent Groargaka dans un dédale de tunnels. Ils étaient encadrés par quatre guerriers qui les escortaient. Après quelques minutes de marche, il débouchèrent dans une immense caverne, dans laquelle se trouvaient une cinquantaine de primitifs. Il s'agissait principalement de femmes et d'enfants, même s'il y avait aussi quelques hommes. Tous étaient vêtus de simples pagnes de peau, les femmes torse nu tout autant que les hommes, les enfants les plus jeunes allant même entièrement nus. Tous les regardèrent arriver avec une curiosité mâtinée de méfiance. Aucun n'était armé.
Leur escorte les amena au centre de la caverne, tandis que Groargaka se dirigeait en direction d'un couloir naturel au fond de la gigantesque cavité.
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