Elle courait de toute ses forces. Le terrain s'abaissa légèrement et de l'eau se mit à gicler sous ses foulées. La sécurité, peut être. Derrière elle, elle entendait les aboiements des chiens. Les chasseurs les avaient lâchés. Elle savait qu'elle ne pourrait pas les distancer, mais peut être, dans l'eau du marécage, les molosses perdraient son odeur, sa trace. Il lui fallait un abri, un endroit où se cacher. Autour d'elle, des mottes de terre herbeuses affleuraient, ressortaient au dessus de l'eau peu profonde qui lui arrivait à mi-mollet.
Elle regarda de tout coté, affolée et aperçut enfin une petite butte, elle se précipita, le sol se déroba sous ses pieds et elle s'étala dans l'eau brunâtre, se releva dans un bond et fila se cacher, trempée, tremblante de froid et de peur, derrière cette cachette de fortune. Les aboiements étaient proches, si proches. Elle n'osait pas regarder là d'où elle venait. Immobile, recroquevillée sur elle-même, elle tentait de reprendre son souffle, serrant contre elle le petit couteau qu'elle avait pu dérober dans sa fuite.
Au dessus de l'eau du marais, les sons portaient loin. Elle entendit les chiens arriver et stopper leur course. Ils hésitaient à pénétrer dans l'eau et attendaient les chasseurs, aboyant et hurlant leur excitation et leur frustration à ne pas trouver leur proies. La piste se perdait dans l'odeur vaseuse du marais. Elle entendit le bruit de la troupe qui arrivait à son tour. Le renâclement des chevaux, les hennissements, le bruit de sabots écrasant la terre et la pierre. Elle osait à peine respirer.
Des jurons, des rires, certains pestaient d'avoir perdu sa trace. Leurs compagnons répliquèrent :
-Si elle est dans les marécages, elle est perdue. Inutile de la chercher, elle ne survivra pas à la nuit. le Bourbier se chargera d'elle. Autant rentrer, il commence à faire froid et jamais les bêtes n'accepteront de pénétrer dans ce piège. Elle est foutue.
Une voix forte retentit, s'adressant à la fugitive :
-EH ! T'ENTENDS CA, VERMINE ? T'ES FOUTUE ! AH AH AH AH AH !!!
Elle mit les mains sur sa bouche pour s'empêcher de faire le moindre bruit. Ils étaient proches, si proches. "Partez, partez, partez!" pensait-elle en boucle.
Après de longues minutes, la troupe fit volte-face et s'éloigna rapidement. Elle recommença à respirer un peu plus librement, toujours tremblante.
C'est alors qu'elle vit l'ombre, prèsd'elle, tandis qu'une voix murmurait, toute proche :
-Tiens tiens tiens... Mais qu'est ce que nous avons là ? Mhmmm ?
Elle se tourna brusquement et se retrouva nez à nez avec une vieille femme, des plumes dans les cheveux, des vêtements d'herbes et de feuilles tressées, des yeux verts pétillants de malice.
-Allons Petite, pas besoin d'avoir peur. Contrairement à ce qu'on raconte, je n'ai jamais mangé personne. Suis-moi, je pense que nous allons avoir une belle discussion toutes les deux.
La femme se tourna et, sans même vérifier que la jeune femme la suivait, elle se mit en route, s'enfonçant vers le cœur du marais.