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28 déc. 2022

Te souviens tu des jours de joie ?

 Te souviens-tu des jours de joie ?

    Le hérault était venu. De sa voix de stentor, sur la place du village, il avait crié “PAIX ! PAIX ! LA PAIX !”

Te souviens-tu ? Les adultes étaient tombés dans les bras les uns des autres. Et ils riaient. Et ils pleuraient. Certains ont commencé à chanter. Toi et moi, on ne saisissait pas vraiment, du haut de notre enfance, ce que tout cela signifiait, l’importance de ce moment. Mais nous observions ces adultes qui, soudain, alors que nous ne les connaissions que grave, tristes, préoccupés, se mettaient à se comporter comme des enfants. Cachés sous un banc, nous avions regardé, écouté.
Te souviens-tu ? Nos mains s’étaient trouvées et nous nous sommes souri. Sur la place, des guirlandes commençaient déjà à décorer l’espace. La maire avait décrété un jour de fête. La fête a duré au moins une semaine. Sur la place, le vieux Michel avait sorti sa guitare, Lucia l’accompagnait avec le chant cristallin de sa petite flûte. Tous les adultes chantaient, dansaient, tapaient dans les mains. Un grand festin s’est improvisé, sur cette place, au milieu du village. Et tout le monde, petits et grands, a célébré la fin de cette guerre que nous ne comprenions pas.

Te souviens-tu des jours de joie ? Nous étions jeunes adolescents. La guerre était désormais loin derrière nous. Mais ta main était toujours dans la mienne. Nous passions notre temps à nous esquiver de chez nous, pour nous promener, tous les deux, à travers champs, à travers bois. Te souviens tu le jour où, cachés dans un buisson, nous avons surpris une biche et son faon boire à la mare ? Je m’en souviens. Je me souviens de tes yeux écarquillés d’émerveillement, de la chaleur de ton bras contre le mien, du bruit de ta respiration. Tu admirais la biche, et moi je t’admirais, toi.

Te souviens-tu ? Te souviens tu de ce jour d’été ? Devant le village assemblé, nous avons prononcé nos vœux. Mes jambes flageolaient et je n’en revenais pas de la chance que j’avais, de l’honneur que tu me faisais, de m’avoir choisi, moi. La place était parée de ses plus beaux fanions, mais je n’avais d’yeux que pour toi. Tu étais si belle, dans ta robe de dentelle bleue. Tu resplendissais, sous ta couronne de fleurs sauvage. Et tu riais, de ce rire dont jamais je ne me lasserai. C’était notre tour alors, de danser, de chanter et de rire, sur la place du village. Et tous les deux, nous avions eu un regard ému pour ce vieux banc, là-bas, dans un coin de la place. Ce vieux banc où nos mains désormais entrelacées s’étaient trouvées.

Te souviens-tu de cet été au ciel chargé d’orage ? Ton ventre arrondi tendait le tissu de ta chemise de lin. Bien à l’abri, tu tricotais de minuscules vêtements en fredonnant, pelotonnée dans le fauteuil à bascule dont ton frère nous avait fait cadeau. A tes pieds, un chaton jouait avec les franges du tapis avec des miaulements aigus qui se voulaient féroces. Moi, je continuais à t’admirer, émerveillé. Dans mon atelier, un berceau en merisier commençait à prendre forme. Nous vivions dans notre bulle alors, insouciants, certains d’un avenir radieux. Te souviens-tu ? Nous avons fait la sourde oreille aux rumeurs et aux discours des tristes sires de mauvaise augure. Notre enfant grandissait doucement. Le chaton était devenu un matou câlin et un inséparable compagnon de jeux pour elle. Souvent, nous les retrouvions tous les deux, endormis, lovés l’un contre l’autre. Nous les regardions, attendris, en nous demandant quand un autre enfant viendrait agrandir notre foyer.

Te souviens-tu ? Te souviens tu des temps de tempête, de l’annonce de la reprise de la guerre, et des soldats envoyés par tout le pays afin de mobiliser tout homme capable de tenir une arme entre ses mains ? Tes yeux alors ne reflétaient plus que l’inquiétude et l’angoisse. Ton rire s’était tû, remplacé par tes larmes. Je ne voulais pas de cette guerre. Je refusais de partir loin de vous deux, risquer ma vie en tuant de parfaits inconnus. Je refusais de devenir un pion, pris dans les engrenages d’un conflit pour les profits des puissants. Alors nous avons fui. Nous avons fermé la porte de notre petite maison isolée. Je me suis demandé alors si je reverrai un jour mon atelier, et toi, dans le fauteuil à bascule au coin du feu. Nous avons pris ce que nos dos pouvaient porter. Le chat, dans son panier fermé, protestait vigoureusement contre ce traitement qu’il ne comprenait pas. Notre fille pleurait, son doudou dans les bras. Elle non plus ne comprenait pas. Et nous sommes partis, sans nous retourner. Le cœur gros.

Te souviens-tu de la vallée ? Cette petite vallée isolée où nous avons trouvé refuge, au milieu d’autres gens, tout aussi perdus que nous. L’entraide, la camaraderie qui s’est naturellement installée entre tous ces gens qui avaient pratiquement tout perdu. Ensemble, nous avons bâti toute une petite communauté. Nous vivions en quasi autarcie. Quelques fois, certains et certaines partaient en “expédition” dans un autre village pour acheter ou troquer ce qui nous manquait. Nous avons reconstruit une nouvelle maison, un nouvel atelier. Il n’y avait pas de fauteuil à bascule près de la cheminée, mais un épais tapis qui faisait le plaisir du chat et de notre enfant. Nous avons réappris à rire et à chanter. Je crois que c’est là que nous avons compris la joie des adultes, lors de cette fameuse annonce, tant d’années auparavant. Notre enfant s’est faite de nouveaux camarades de jeux. Nous avons réinventé notre vie, ici, dans cette vallée, avec ces gens qui, comme nous, refusaient la guerre. Ton ventre est redevenu rond. Un nouvel enfant est venu agrandir ce nouveau foyer. Notre village a grandi, prospéré, dans cette vallée, tandis qu’à l’extérieur, le monde devenait fou. Les années ont passé. Nos enfants ont grandi. L’un est devenu parent à son tour, dans cette vallée que nous n’avons jamais quitté. L’autre est partie voir comment se portait le monde, revenant parfois encore dans la vallée par des chemins détournés.

Te souviens tu ? Dis, te souviens tu mon amour ? Aujourd’hui encore, nos deux mains s’étreignent, nos doigts s’enlacent. Mais ton regard est vide. Le temps t’a volé ta mémoire. Tu ne te souviens plus que par bribes, par instants. Ce n’est pas grave mon amour. Je me souviens pour toi. 



Petite nouvelle écrite dans le cadre d'un appel à texte. Je trouve que pour un format de texte sur lequel je suis vraiment pas au point, c'est un premier essai plutôt pas mal.

22 oct. 2022

De la terre aux nuages : Où l'on apprend à sauter en parachute

    Je ne sais pas combien de temps nous sommes rester enfermés dans cette cellule, au fond de ce cuirassé volant gigantesque. Mais à un moment, nous avons commencé à entendre des explosions à l'extérieur. Le cuirassé essuyait une attaque. De là où nous étions, impossible de savoir par qui, et à quel point nous étions en danger. Jusqu'à ce qu'une explosion ne détruise une partie de notre prison. Le souffle nous a repoussé tous les quatre à l'autre bout de la cellule. Mamoru s'est malheureusement retrouvé pris dans un tourbillon d'air brûlant qui l'a blessé à la jambe et au bras gauches. Mais notre cellule était désormais ouverte et c'était le chaos autour de nous, personne ne faisait attention à ce que notre groupe entreprenait. C'était notre chance de nous évader. A un détail près : nous étions à des centaines de mètres du sol. Il nous fallait un moyen pour sortir de là et de survivre. 
  
Ayuko a entendu le vrombissement de plusieurs moteurs d'avions et des bruits coups de feu, très nombreux. Nous avons réussi à nous faufiler par les couloirs et nous nous sommes abrités dans une pièce déserte. Il s'agissait de la pharmacie du cuirassé et j'en ai profité pour m'emparer d'une valise de matériel de soin. Vu l'état de Mamoru, si on survivait, cela nous serait indispensable. Lors de notre arrivée dans le cuirassé, Mamoru avait réussi à observer et se repérer dans les couloirs. Grâce à lui, nous avons fini par retrouver un hangar, vide de tout avion. A ce moment là, nous avons entendu un bruit aigu, assourdissant, qui se rapprochait. Nous avons juste eu le temps de nous planquer contre les murs avant qu'un avion militaire n'atterrisse en catastrophe, passant pas loin du crash. Mais il s'est arrêté avant d'enfoncer le mur. J'avais repéré des sacs de parachutes et des masques. Mais il nous fallait désormais contourner l'avion pour les atteindre. Le pilote devait etre en mauvais état car nous ne l'avons pas vu sortir. Ayuko a décidé d'aller voir l'avion pendant que nous récupérions les équipements.

    Par la porte ouverte du hangar, nous voyions que le cuirassé perdait de l'altitude, et bien trop vite ! En dessous de nous, on pouvait apercevoir la frondaison de la grande forêt qui envahissait petit à petit le Japon. Nous n'avions pas le temps d'hésiter, il fallait sauter. Nous avons mis les sacs de parachutes comme nous pouvions, resserrant les sangles et vérifiant les boucles. Nous avons échangé un regard, puis nous avons sauté, avant que le cuirassé ne soit trop bas pour que les parachutes ne nous soient d'une quelconque utilité. Je ne sais par quel miracle, nous avions tous mis correctement notre équipement et tous les parachutes se sont ouverts comme prévu. Par contre, balottés par les courants d'air, nous nous sommes éloignés les un de autres. J'ai eu de la chance et j'ai atterri sans trop de difficulté. Mais j'étais seule. Tant pis, il fallait prendre le risque. Tout en fourrant le parachute dans son sac, j'ai appelé mes compagnons et Sheeta. Seule cette dernière m'a répondu et j'ai pu la retrouver. Son parachute s'était coincé dans des branches. Heureusement, elle pendait, impuissante mais proche du sol et j'ai pu la libérer. Elle avait eu le temps d'apercevoir la direction dans laquelle les garçons semblaient partis pour atterrir aussi nous nous sommes mises en route à leur recherche. Nous avons retrouvé Mamoru, inconscient, après quelques minutes d'une marche difficile dans cette forêt étrange. Il était vraiment dans un sale état et nous n'avions pas eu le temps de soigner ses brûlures. Vu l'environnement dans lequel nous nous trouvions, j'avais peur que tout cela ne s'infecte. Heureusement, j'avais réussi à garder la valise volée dans l'infirmerie. Je n'y ai pas trouvé grand chose mais tout de même de l'alcool, des bandages et une paire de ciseaux ainsi que quelques comprimés d'antibiotiques. A court d'idée, je n'ai pas eu d'autre choix que de désinfecter ses blessures à l'alcool. Il a hurlé de douleur et a repris connaissance pendant que je finissais les bandages.
    Mais nous avions fait trop de bruits, et nous avons entendu quelqu'un arriver. Nous avons tout juste eu le temps de nous cacher dans des buissons avant qu'un soldat n'arrive dans la clairière, armé. Nous avons pu l'espionner tandis qu'il parlait avec ses supérieurs à l'aide d'un talkie. L'armée était à notre recherche. Ou plus exactement, à la recherche de Sheeta. Comment ce soldat a pu ne pas nous remarquer, avec le parachute de Mamoru qui pendouillait lamentablement des arbres, je ne me l'expliquerai jamais. Mais il a fini par repartir. Quand nous avons estimé qu'il devait être suffisamment loin, nous sommes sortis de notre cachette et nous nous sommes mis à la recherche de Ayuko. Dans une clairière, nous avons aperçu un nouveau soldat. Nous nous sommes cachés immédiatement et, alors que l'on s'apprêtait à l'attaquer, il a marmonné et nous avons reconnu la voix d'Ayuko ! Il avait réussi à récupérer une tenue militaire, un talkie et un masque. Il utilisait le talkie pour espionner les soldats. Plutôt malin. Cela nous a permis d'entendre qu'ils avaient capturé un aviateur et que tous les soldats présents dans le coin nous recherchaient. On a réussi à éviter les patrouilles. On a même retrouvé le cuirassier qui s'était écrasé à proximité, en pleine forêt.
    Ayuko a réussi à se faire passer pour un soldat avec le talkie et à nous dégager le chemin et nous avons pu nous cacher dans l'épave juste avant la tombée de la nuit.. Nous avons retrouvé l'infirmerie et nous nous y sommes enfermés. J'ai voulu fouiller les tiroirs. Mal m'en a pris. Des insectes énormes avaient déjà commencé à s'y installer et l'un deux m'a littéralement sauté au visage quand j'en ai ouvert un. Heureusement que le masque que je portais toujours m'a protégé. Nous avons alors compris ce qu'étaient les bruits étranges que nous entendions sur la carlingue : les déplacements de dizaines d'insectes qui tentaient de s'infiltrer dans ce qui restait du cuirassier...
    Nous avons fait un repas rapide de conserves froides. Puis nous nous sommes installés de notre mieux, et Sheeta a commencé à nous raconter son histoire

6 juin 2022

Carte ?

 

source : https://pixabay.com/

Le capitaine nous jeta un regard de dépit. – Une carte ça ? Bon sang les gars, où est ce que vous avez encore été dégotté une merde pareille… – J'vous jure C'p'taine, protesta Hul, c't'une carte, vrai de vrai ! – Une carte pour la vieille bicoque de ta grand-mère oui, abruti. Qui est ce qui vous a pigeonné encore ? Va encore falloir qu'on rattrappe ça… Tu réalises la réputation que tu nous fait Hul, à moi et à tout l'équipage ? – Mais j'vous jure qu'c'est vrai ! Je l'sens ! C't'une carte codée ! – Une carte codée… tu m'en diras tant… Mais enfin regarde moi ça, ça ressemble à rien ton truc, Hul. Ca représente quel système hein ? Je sais même pas dire quel cadran de la galaxie je suis censé reconnaître ! Autour de nous, le reste de l'équipage ricana alors que mon compagnon d'infortune s'empourprait. Vrai que dit comme ça, on semblait s'être fait avoir comme des bleus. Pourtant, y avait eu un je-ne-sais-quoi dans le regard de la marchande qui m'avait aussi convaincu. Ou alors Hul déteignait sur moi… Je décidais de reculer prudemment d'un petit pas. On est jamais trop prudent, des fois que la connerie de Hul soit effectivement contagieuse, j'allais me mettre à l'éviter comme la peste. Malheureusement, mon mouvement ramena sur moi l'attention du Capitaine. – Et toi Yrth, tu pouvais pas l'empêcher de faire sa connerie ? T'as pourtant plus de jugeote que ça d'habitude… – Ben… C'est qu'il a pas entièrement tort, Capitaine. Ca ressemble fort à une carte, mais… illisible. Et sincèrement, j'ai pris soin qu'on ne donne pas nos vrais noms et de ne pas associer à cet achat le nom de l'Orchidée Pourpre… Et ça nous a couté moins que rien. Et je jurerai l'avoir déjà vu quelque part mais impossible de me rappeler où… A mes mots, le Capitaine se calma un peu. J'en profitais pour pousser un peu ma chance. 

– Écoutez, on l'a payé avec notre solde. Ca vous coutera rien et je prendrai sur mon temps de repos pour tenter de comprendre comment décoder ça. Vous n'aurez rien à perdre et tout à gagner. Qu'est ce que vous en dites Capitaine ?
– J'en dis mon garçon, que tu fais bien ce que tu veux de ton argent et de ton temps perso. Tant que ça empiète pas sur ton travail, je m'en fous. Allez les gars, on se remue ! On est censé décoller dans moins d'une heure ! Qu'est ce que ces caisses font encore sur le quai !

A ces mots, l'équipage s'éparpilla, chacun retournant à son poste, encore ricanant de notre mésaventure. Hul me fit un clin d'oeil et chuchota « Je compte sur toi gamin, je sens que c'est pas juste un vieux circuit moisi ce truc. » avant de filer lui aussi. Pensif, je glissais l'objet dans ma poche et allait à mon poste à mon tour.

30 mai 2022

La Cité des Îles (Inspiration visuelle 11)

source : https://www.deviantart.com/peterprime

 

 

La caracielle manœuvrait lentement entre les énormes blocs rocheux. Dame, c'est que les abords de la Cité des Îles étaient traitres ! Une seconde d'inattention et l'on risquait la collision avec l'un des ilots flottants qui constituaient ou entouraient la ville.
Il fallait compter au moins une heure encore, avant de pouvoir apponter sur l'île principale, selon les dires du contremaitre. La passagère n'avait aucune raison de remettre cet avis en question et décida de prendre son mal en patience en profitant de la vue depuis le pont arrière du bateau volant. De là où elle se trouvait, on apercevait nettement les affleurements de tornal, cet étrange minerai bleu capable de faire flotter ces gigantesques masses rocheuses en plein ciel.
L'île principale était offerte à la vue de quiconque se trouvait sur le pont. On voyait également les différents ponts végétaux tressés entre certaines des îles les plus importantes.
Accoudée au bastingage, l'étrangère observait les bâtiments. Elle devinait la basse-ville, où l'on trouvait les appontements marchands, les échoppes de nombreux artisans, les comptoirs des principales guildes. En haut de la falaise, elle apercevait l'université. Elle plissa les yeux dans une tentative de mieux distinguer les hautes tours blanches. Elle y serait d'ici trois heures, deux si elle avait de la chance. Elle retint une grimace à cette idée. La missive qui dormait dans la doublure de son veston n'allait certainement pas plaire au président de cette institution renommée. Non... ça n'allait pas lui plaire du tout. Elle y serait bien assez tôt à son goût. Et en attendant, autant admirer le paysage. C'était la première fois qu'elle venait et elle devait bien reconnaitre que la Cité des Îles ne volait pas sa réputation. Le spectacle était tout simplement à couper le souffle.

Tribut (inspi visuelle 10)

source : https://art.alphacoders.com/arts/view/88833

 

Je n'en pouvais plus. Mon souffle court formait de petits nuages devant mon visage alors qu'épuisé, j'observais mon objectif. Elle semblait si proche et pourtant si inaccessible encore, cette cité légendaire d'Arend. Arend la Blanche, Arend la gelée.
Dans le monde d'en bas, d'où je venais, on ne prononçait ce nom que dans des chuchotements nerveux. Même l'ivrogne le plus saoûl n'aurait oser murmurer ces deux syllabes. Quand les bardes en parlaient dans leurs chants ou leurs contes, c'était toujours de façon détournée.
L'on prétendait que dire ce nom, c'était s'attirer l'attention de la Femme Blanche, celle qui vole l'âme des vivants. La Reine Eternelle.
Tous les 10 ans, le royaume d'en bas, mon royaume, devait envoyer un tribut. Un jeune du pays, volontaire ou non, devait grimper là-haut. Aucun n'était jamais redescendu.
La légende raconte qu'un jour, le royaume a refusé de payer le tribut. La légende nous prévient que la colère de la Reine est terrible, dévastatrice.
Plus jamais le Royaume d'En Bas n'a osé tenter de se rebeller.
Cette année est l'année du tribut. Et c'est moi qui est été choisi.
Je reprends lentement mon souffle en contemplant le palais. Il parait presque irréel au milieu des nuages. Ma nouvelle maison. Je reprends mon chemin. Je dois arriver avant la nuit.

21 mai 2022

Elora (Character design 38)

source : https://www.deviantart.com/akreon


 

 

L'adolescente fronça les sourcils, refusant de s'avouer vaincue.
-Allez, c'est pas parce que ça a échoué les 7 fois d'avant que ça ne peut pas réussir à la huitième, pensa-t-elle pour s'encourager.
Elle se concentra, le regard fixé sur la paume de sa main tendue devant elle. Dans un murmure, elle prononça les mots anciens.
Rien...
Rien de rien...
Un juron des docks lui échappa et elle vérifia par réflexe que personne ne l'avait entendu. Ouf, elle était toujours seule dans son petit refuge. Si l'un de ses parents l'avait entendu, elle se serait fait tancer vertement sur le vocabulaire attendu chez une jeune fille de "bonne famille" telle qu'elle.
Évidemment, si un adulte l'avait surpris dans ses tentatives, son vocabulaire inadapté aurait probablement été le cadet de leur souci.

12 mai 2022

Argos (Character Design 37)


 

    Assis sur une simple caisse de bois, Argos avait attiré autour de lui tout un groupe de bambins. Amusé, il les écoutait rire aux éclats devant les papillons et lucioles éthérées qu'il avait fait apparaitre.

La caravane s'était arrêtée à Lionos, une cité naine réputée pour ses artisans. Le chef marchand avait prévu de vendre diverses denrées alimentaires, depuis des poissons salés de Yor jusqu'aux citrons confits importés du désert de Mân, et de repartir avec des tapisseries et bijoux d'artisanat qui faisaient la réputation de la cité.
Pendant qu'il s'occupait des négociations, le reste du groupe s'était dirigé vers la taverne la plus proche, afin de se détendre en dégustant une bonne chope de bière locale.
Argos avait préféré le calme relatif de la rue à l'atmosphère enfumée de la salle commune. Il ne le regrettait pas, en voyant la joie des enfants. Ces derniers s'étaient approchés un peu timidement d'abord, surveillés par un petit groupe de parents. Les adultes avaient froncé les sourcils, méfiants face à cet étranger dont les cheveux blancs trahissaient une ascendance elfique. Mais, devant les rires ravis de leurs progénitures, ils s'étaient rapidement tranquillisés et avaient repris leurs discussions. 

Désormais, les petits réclamaient à grands cris des "Pa'llons", des lucioles et des "zoizo" au jeune illusionniste ravi de l'exercice. Des myriades de petits insectes s'envolaient des mains d'Argos, pour aller voleter autour des enfants. Certains les admiraient simplement, les yeux brillants de ravissement. D'autres essayaient en vain d'attraper les illusions, hilares.
Voyant le chef marchand l'appeler d'un ample geste du bras, Argos fit disparaitre ses illusions dans une gerbe d'étincelles multicolores, ramassa son épée et se releva. Il dut cependant promettre de revenir jouer avec eux pour que les enfants acceptent de le laisser s'éloigner sans le suivre.

19 févr. 2022

Le Cartographe (mercredi character design 36)

 

 

Source d'inspiration : https://www.deviantart.com/pyawakit

 

 Il n'avait que 17 ans et pourtant il était devenu l'une des étoiles montantes de la cité de Perlora. On parlait de lui jusque dans les bas-quartiers. Lui, simple fils de pêcheur, sans prétention, allait bientôt obtenir son diplôme de mage-cartographe avec 3 ans d'avance.
Personne ne comprenait comment il faisait et les chuchotis étonnés et envieux le poursuivait dans les couloir de l'Académie des mages.
Lui même aurait été bien incapable de répondre. La magie coulait en lui, il la sentait, la comprenait, sans pour autant réussir à l'expliquer. Par dessus tout, c'était la magie du vent qui lui parlait Peu importait l'épreuve, il savait toujours s'orienter, savait toujours où il était, avec une précision presque effrayante. Il n'avait qu'à tendre la main, ouvrir sa paume, étendre ses doigts et elle se matérialisait, là, à quelques centimètres au dessus de sa peau : une rose des vents impalpable, dorée et d'une exactitude implacable.
La guilde des navigateurs lui tendait les bras et son avenir semblait assuré. Mais sous son sourire poli, il se gardait bien de dire qu'il comptait ne s'en servir que comme d'un marchepied pour la vie d'aventure et de découvertes à laquelle il aspirait.


19 janv. 2022

Shade (Mercredi Character Design 35)

 

 

Source d'inspiration : https://www.deviantart.com/gunshiprevolution/art/Manila-2099-780500005

 

 Shade jeta un regard derrière elle, le plus discrètement possible. Ces deux silhouettes... Elle obliqua soudainement vers une rue transversale, puis une autre, flânant, comme si elle observait les vitrines de la ville. Les deux silhouettes étaient toujours là, derrière elle. Elle sentit son pouls s'accélérer. Elle était suivie. Elle continua à flâner, l'air de rien, afin de ne pas alerter ceux qui l'observait, puis, se jeta brutalement dans une petite ruelle. Elle courut, changeant aléatoirement de direction. Elle connaissait le quartier comme sa poche et savait exactement où elle était. Elle entendit des bruits de courses derrière elle et accéléra autant qu'elle le pouvait. Sa course, d'apparence erratique, la rapprochait progressivement de sa moto. Une fois qu'elle l'aurai atteinte, elle serait hors de danger. Personne ne l'avait jamais rattrapée sur celle ci.
Elle concourrait dans les courses de la basse ville. Ça rapportait bien. Et elle s'y était fait un nom. Un nom suffisant pour attirer l'attention manifestement. Elle savait que certaines organisations, notamment des mafias, cherchaient à l'approcher pour s'adjoindre ses services. Jusqu'à présent, elle avait réussi à les éviter. Il était difficile de dire "non" à ces gens là.
Elle commençait à s’essouffler quand elle arriva à sa bécane. Elle grimpa immédiatement dessus, l'alluma en un quart de seconde grâce à l'implant de reconnaissance installé dans la paume de sa main. Quelques secondes plus tard, elle était déjà loin, le sourire aux lèvres alors qu'elle se faufilait dans la circulation dense de la ville.
Vingt minutes plus tard, elle garait l'engin à son emplacement habituel, suffisamment de l'appartement miteux qu'elle partageait avec sa mère et son frère. Elle appuya sur le bouton de son col et son casque disparut dans un chuintement. Elle secoua sa chevelure ainsi libérée et pris quelques secondes pour vérifier qu'elle avait bien réussi à semer ses poursuivants. Rassurée, elle se mit en route, avec quelques tours et détours inhabituels. Elle ne laissait rien au hasard et s'assurait ainsi que personne, personne, ne serait en mesure de remonter jusqu'à chez elle.
Elle monta les escaliers 4 à 4 en sifflotant, son sac de course ballotant au bout de son bras. Elle frappa deux coups légers suivi d'un troisième un peu plus fort avant d'ouvrir la porte.
Un boulet de canon vivant se jeta sur elle, l'enserra de toute ses forces.
"Salut Frérot, alors cette journée ?" demanda-t-elle affectueusement en lui ébouriffant les cheveux tandis qu'il levait vers elle un regard plein d'une admiration sans borne.

Sparrow (mercredi character design 34)

 

 

source d'inspiration : https://dystopia-arts-girls.tumblr.com/post/636776378698694656/pinterest

Texte écrit en écoutant l'OST d'Arcane, la série Netflix

 

On m'appelle Sparrow. J'ai sûrement eu un autre nom avant. Mais il s'est perdu et seul Sparrow est resté. Je ressemble pourtant pas à un moineau. Un corbeau encore... On m'a appelé comme ça gamine parce que j'étais toute fluette, une vraie brindille. Et le surnom est resté. Sparrow. J'ai la liberté de l'oiseau, ça c'est certain. Ceux qui ont essayé de me mettre en cage s'en mordent les doigts. Enfin... ceux qui leur restent. Ah ah !

Ma famille, c'est le gang. Je me rappelle vaguement avoir eu une mère... un petit frère peut être. Mais c'est tellement loin que les souvenirs sont flous dans ma mémoire. Le Gang, ça c'est du solide, des gens sur qui je peux compter. On veille les uns sur les autres. 

C'est Cristal qui m'a trouvé dans la rue, gamine, affamée. C'est elle qui m'a donné mon nom. C'est vrai qu'à l'époque, je l'aurai suivie pour des miettes de pain. Comme un moineau. Hawk, le chef de l'époque, a accepté qu'elle me garde comme apprentie. Elle m'a tout appris. Les techniques pour repérer les endroits à visiter et ceux qu'il valait mieux éviter. Les meilleures planques. Pour soi, pour du butin. Les chemins les moins connus.
Vu ma stature, gamine, elle m'a vite envoyé sur des missions où seule une mome de mon acabit pouvait se glisser. J'ai tout fait. Cambriolage, espionnage, mise en place de piège,.. Je vivais pour ces moments où elle ébouriffait mes cheveux en me félicitant, la fierté visible dans ses yeux. 

Hawk a fini par se faire plomber un jour, et elle a pris sa succession. Le gang a bien évolué sous sa poigne. On ne manquait de rien. Nourriture, soins, un endroit confortable pour se poser et vivre entre les missions. Et du fric. Sa règle d'or, c'était qu'on ne devait pas toucher à la drogue. On en piquait, on en refourguait, mais interdiction absolue de consommer ces saloperies. Elle avait trop vu de junkies faire foirer une mission, devenir incontrôlables, complètement incapable de voir le danger.
Ca a pas plu et pas mal ont préféré partir. Ils sont tous morts rapidement, stupidement. Tant pis pour eux.
Moi j'ai grandi. Je ne passais plus par les chemins étroits. Alors j'ai pris une autre route : le net. Je suis devenue hackeuse. J'ai toujours aimé les défis et pour ça, le net est un formidable terrain de jeu. Grâce au gang et à Cristal, j'ai pu m'acheter les implants nécessaires pour devenir la meilleure hackeuse du gang. Je me suis fait une sacrée réputation. Mais je reste inattrapable. Je laisse un filigrane de moineau là où je passe. Et je rigole bien en pensant aux flics qui doivent s'arracher les cheveux en essayant de me coincer. Ca n'arrivera pas, jamais. J'ai toujours plusieurs coups d'avance sur eux.
Par contre, faut que je me méfie de la concurrence. Notamment ce BlackJack. Il est fort, très fort. On joue au chat et à la souris tous les deux depuis des mois. Chacun essayant de débusquer l'autre. Pour le moment c'est un match nul. C'est une ombre, un fantôme. Quand je crois le tenir, sa trace s'évapore devant moi. Mais je vais finir par le coincer. Après tout, je suis Sparrow.

7 janv. 2022

L'homme et l'ombre (mercredi character design 33)

Source : https://www.artstation.com/artwork/mqBV9a

 
Il courait, courait, le vent froid sifflant autour de lui. Sous ses pieds nus, la neige crissait. Il ne pouvait retenir un gémissement de terreur tout en courant, le souffle court. Derrière lui, un rire cruel retentit. Il lui sembla entendre une voix dans le vent. Une voix qui lui sussurait "Cours... cours petit être..."
Il trébucha, se releva, trébucha encore et tomba à quatre pattes dans la neige.
Une ombre passa sur lui et il se sentit glacé au plus profond de son être.
Il releva la tête en tremblant. Devant lui se dressait un jeune homme aux yeux de glace. Une ombre jouait sur son épaule. Il se mit à bégayer, le regard empli d'épouvante, balbutiant des prières, des suppliques.
Son poursuivant s'accroupit devant lui tranquillement tandis que l'ombre accrochée à lui semblait grandir, grossir, prenant une forme étrange, presque humaine. Il planta son regard de glace dans celui de l'homme à terre et murmura :
-Mais il est trop tard pour ça, petit être. Bien trop tard. Tu aurais du réfléchir avant. 

L'homme se sentit happé par le regard lumineux. Dans un dernier réflexe, il tenta de s'écarter et tomba, assis, dans la neige. Il était incapable de se libérer des yeux de givre et resta là, tremblant, la bouche béante.
Son opposant commença à ricaner en tendant une main vers sa joue.
-Pauvre petit être. Si perdu. Si seul. Si... vulnérable... Il est à toi.

A ces derniers mots, l'ombre fondit vers sa victime tandis que le jeune homme se relevait et s'éloignait paisiblement. Dans son dos un hurlement retentit avant de s'éteindre brutalement. Des craquements et chuintements sinistres suivirent et, après quelques minutes, l'ombre revint sur l'épaule de son maître. Ce dernier la caressa gentiment, comme on caresse un chat domestique.
-Rassasiée ?

Un étrange ronronnement lui répondit.