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22 janv. 2021

Sous ma plume : L'Arche, la Roue et la Selle

 Idda regardait la route continuer au loin devant elle. À moitié avachie sur le banc, elle tenait d'une main molle les rênes de l'attelage qu'elle conduisait. Derrière son chariot, trois autres suivaient en une file resserrée.
L'ensemble de la caravane soulevait un nuage de poussière sur le chemin de terre sèche. Autour d'eux, la prairie de Rhoargarn s'étendait à perte de vue, couverte de hautes herbes jaunies par le soleil et la sécheresse qui sévissait depuis maintenant plusieurs mois. Du chariot de queue s'élevèrent soudain les trilles de la flûte d'Amna, amenant un peu de gaité dans la monotonie de la journée. Yvain, Rhorn et Kymal, les trois gardes se prirent à sourire, leurs yeux toujours fixés sur la plaine qui les entourait, à l'affut d'un mouvement dans les végétaux, signe d'une présence hostile.
Une simple caravane comme la leur pouvait craindre autant des attaques de rôdeurs que d'animaux sauvages menés par la faim et il tardait à Idda et ses compagnons d'arriver à bon port. Leur destination était l'Arche, une ville bâtie à proximité d'un ancien site. Nul ne connaissait l'origine de cette construction immémoriale de pierres gravées d'étranges symboles que plus personne désormais ne savait déchiffrer. D'innombrables légendes et rumeurs couraient à son propos. L'on disait qu'elle avait vu s'élever des empires et tomber des rois et des reines au faîte de leurs gloires. L'on disait qu'elle avait vu l'aube des temps et serait témoin de la fin du monde. Personne n'avait jamais réussi à l'entailler, ajouter une gravure. De nombreux seigneurs avaient tenté de la détruire au cours des âges mais les seigneurs étaient morts et l'Arche était toujours là. Dans les tavernes, on murmurait à son propos, certains prétendait qu'elle étendait une aura protectrice qui expliquait la prospérité de la ville qui s'était bâtie à ses côtés. D'autres racontait que parfois, quand la lune était pleine et le vent clément, on pouvait entendre de curieux sons semblant sortir des vieilles pierres, rires et chants, hurlements et bruits métalliques de lames qui s'entrechoquent. Tous, cependant, s'accordaient sur une chose : seuls les plus intrépides, ou les plus fous, approchaient désormais le vieux monument, particulièrement de nuit, et certains qui l'avaient fait n'avaient jamais reparu, comme engloutis corps et biens par la structure.

10 janv. 2021

Sous ma plume : Nocturne

 La nuit était claire, la lune baignant le sentier forestier de sa lumière éthérée. D'une démarche souple, le loup se faufilait entre les buissons, la truffe au sol, reniflant la piste de sa proie. Soudain, il releva la tête, remua les oreilles, aux aguets. Quelque chose arrivait, perturbant sa chasse. Il s'immobilisa, reniflant l'air autour de lui quand le vent lui apporta des effluves étranges, dérangeantes, porteuses de menace. Sans un bruit, l'animal bifurqua et s'enfonça dans les broussailles et partit se mettre à l'abri.

Quelques minutes plus tard, un étrange couple apparut sur le sentier. Un humain et un nain arrivaient, chacun tenant une monture par la bride, poney hirsute et râblé pour le nain, cheval nerveux et renâclant pour l'humain. Si quelqu'un s'était trouvé là pour les voir passer, il aurait été bien en peine d'en donner ensuite une description. Chacun portait une mante sombre lui arrivant un peu au dessus des chevilles et dotée d'un capuchon profond cachant leurs visages. Les deux semblaient se fondre dans les ombres nocturnes de la forêt. Notre observateur imaginaire aurait plus de facilité à détailler les montures et ce qu'elles portaient. Sur le poney, on pouvait apercevoir, outre une selle et une bride, des fontes rebondies desquelles pointaient le goulot de plusieurs bouteilles. Accrochés à la selle on aurait pu apercevoir un carquois emplis de flèche accompagné d'un arc court à double courbure d'un coté, de l'autre, un impressionnant marteau dont le manche battait doucement le flanc de l'animal. Le cheval de son coté, était de même harnaché pour la monte. Sa croupe portait également des fontes et, en travers, une arbalète était fixée, de telle façon qu'on pouvait facilement s'en saisir. Au pommeau de la selle, on avait accroché un sac légèrement rempli ainsi qu'un fourreau duquel ressortait la garde métallique d'un épais couteau de chasse. 

Sans un bruit, le duo poursuivit sa route, disparaissant progressivement dans la brume qui commençait doucement à se lever alors qu'au loin, le hurlement plaintif d'un loup solitaire retentissait.

2 janv. 2021

Sous ma plume : Pousser Mémé dans les orties


 Le bruit de ses talons claquait contre le sol pavé de pierres. Celleux qui croisaient sa route s'écartaient précipitamment en la voyant arrivée. Ses sourcils froncés, son regard orageux, ses poings crispés, tout en elle hurlait la rage qui l'habitait à ce moment. Elle s'arrêta devant un petit portillon. De la rue, un petit sentier gravillonné traversait un charmant petit jardinet pour mener au porche d'une grande maison à trois étage. La porte et la façade étaient décorées de gravures d'étranges créatures de légendes et de plantes grimpantes dont les vrilles minérales partaient à l'assaut de tout le bâtiment. D'un geste décidé, elle ouvrit le petit portail et s'avança sur le sentier, les graviers crissant à son passage. Fumante de colère, elle poussa brutalement la porte, l'envoyant cogner contre le mur, faisant sursauter les quelques personnes présentes dans le Hall.

-Maî..Maîtresse? Que...
-OU EST KHERDOCK? OU EST MON IMBECILE DE FILS?, coupa-t-elle sans attendre,
-Je.. Dans le salon il me semble. Mais...

Sans écouter le reste de la phrase, elle se dirigea vers le salon. Son fils était bien là, affalé négligemment dans le sofa, un verre à la main, un livre dans l'autre. En approchant, elle constata qu'au lieu d'être un livre d'étude, il s'agissait des récits érotiques de Tibéria Runuf, une écrivaillonne à la petite semaine... Cela n'arrangea pas son humeur. 

-TOI!, tonna-t-elle
-Bonjour Mère, répondit-il nonchalemment en relevant un peu la tête, Qu'ai-je encore fait?
-AURAIS-TU L’OBLIGEANCE DE M'EXPLIQUER CECI?!?, répondit-elle ne lui envoyant un parchemin au visage. Son effet fut quelque peu gâché par le parchemin qui, peu aérodynamique, se contenta de tomber doucement sur le dossier du sofa au lieu de frapper son fils au visage comme elle en avait eu l'intention.
-Je n'ai aucune idée de ce dont... ... Ah... Ca..., dit-il en déchiffrant le parchemin, sourcils froncés.
-Oui... CA!
-Je n'y suis pour rien. Ce n'est vraiment pas ma faute si Balgor a constamment ce genre d'idées.
-Ose me dire que tu ne les lui suggères pas! Ose me dire que CETTE idée en particulier ne vient pas de toi!, rugit-elle en le foudroyant du regard,
-Vraiment Mère, je ne peux pas être tenu pour responsable de ses faits et gestes. J'ai peut être suggéré que l'idée serait EN THEORIE amusante et qu'il faudrait quelqu'un d'un grand courage pour...
-Tu as dit ça et tu prétends que tout ceci n'est en rien de ta faute?!?
-Mère enfin, je n'ai dit cela que pour plaisanter, je n'y peux rien si Balgor m'a pris au sérieux..., soupira-t-il,
-Dites donc jeune homme! Faudrait voir à ne pas pousser Mémé dans les orties là! Tu as un sacré culot!
-Pousser Mémé? Je n'y songerai pas une seule seconde. Je vous suggère cependant de ne pas dire ce genre de chose en présence de Balgor... On ne sait jamais.

Le hurlement de fureur de sa mère fut audible à deux cents mètres à la ronde. 



Thème : "Pousser Mémé dans les orties" sur une idée de @Baboushka

1 janv. 2021

Sous ma plume : Et ainsi cela commence

    Imaginez un chemin. Un petit chemin, poussiéreux. Sur ses bords, deux ornières, laissées là par le passage d'anciens chariots. De part et d'autres, vous voyez de l'herbe, luxuriante, d'un vert éclatant ; on aurait presque l'impression de la voir scintiller sous le soleil de ce mois de mai. De chaque coté, la forêt. D'abord des petits sous-bois, buissonneux, emplis de ronces et de chardons. Puis, un peu plus loin, des arbres, massifs, majestueux, gigantesques. Ils cachent le ciel et ne laissent passer que quelques rais épars de lumières. Leurs branches tordues, certains troncs morts et écroulés, donnent à l'ensemble une impression fantasmagorique.
    Vous marchez sur le sentier, le soleil mord votre visage sans protection. Dans vos chaussures de cuir, vos pieds vous font souffrir. Vous avez oublié depuis combien de temps vous marchez. Vous avez oublié pourquoi vous marchez. Vous avez oubliez comment vous êtes arrivé ici.
    Rien à l'horizon à part ce chemin et la forêt. A votre ceinture, une dague cachée dans son fourreau pend à votre ceinturon. Sous la chaleur, vous avez entrouvert votre chemise. Quand? Vous ne vous en rappelez pas. A votre cou pend une chainette supportant un pendentif à l'effigie du Dieu-Enfant, protecteur des voyageurs, des artistes et des orphelins. Sans pouvoir l'expliquer, vous savez que vous êtes les trois à la fois.
Sans pouvoir l'expliquer, vous connaissez ce dieu. Le coté artiste s'explique facilement, au vu  de la flute de cuivre dont l'étui vous bat la cuisse gauche. Vous vous arrêtez, levant la tête vers ce ciel sans nuage.
    Votre mémoire est vierge, vous ne savez ni votre nom, ni vos origines. Vous êtes seul.e, sur ce petit chemin poussiéreux et autour de vous la forêt frissonne, comme un gigantesque être végétal. Le vent, soudain, se lève, vous pousse, vous invite à pénétrer sous le couvert sombre des arbres. Dans votre tête, il vous semble que résonne un murmure vous encourageant à son tour à quitter le sentier.
    Lentement, vous vous tournez, pour faire face à l'immense masse végétale qui semble vous mettre au défi. Comme dans un rêve, vous faites un pas dans sa direction, puis un autre, et encore un, vous enfonçant entre les troncs moussus tandis que sur vos lèvres, une petite mélodie décousue se forme.
    Et ainsi, cela commence.