(l'image était sur artstation mais le lien que j'avais est cassé et je ne retrouve plus le nom de l'artiste. :( )
Hohrrhh était fatigué. Et il commençait à en avoir franchement marre. Certes, les vivas de la foule à chacune de ses victoires dans l'arène, ce n'était pas déplaisant. Ça restait tout de même assez flatteur quoi. Mais bon… des combats, des combats, encore des combats… Le géant à la tresse rousse s'ennuyait. Rumhn, le gestionnaire de l'arène, se frottait les mains, lui. Hohrrhh était l'attraction vedette de la ville. Encore que dernièrement… ça se tassait un peu. Peut être que les gens se lassaient également de le voir vaincre à répétition. Hohrrh soupira. En plus, Rumhn n'était même pas fichu de prononcer correctement son prénom… chaque jour c'était pareil. Le géant grinçait des dents en l'entendant annoncer les combats avec un faux accent des montagnes noires. Le public n'y connaissait rien alors ça faisait illusion. Mais lui, Hohrrhh, véritable géant des montagnes, n'en pouvait plus de cet accent tonique placé au mauvais endroit, du h aspiré oublié et des r maladroitement roulés.
Depuis peu, il échangeait des nouvelles par lettres interposées avec une adorable grand-mère, Jacqueline. Il avait fait sa connaissance à la mercerie. Habituellement le géant se faisait livrer ses pelotes de laine chatoyantes anonymement (à la demande du Rumhn). Soit-disant qu'un combattant qui tricote ça ne fait pas sérieux… Mais franchement, c'était un loisir comme un autre et il ne pouvait pas passer tout son temps à fracasser des crânes et à briser des mâchoires enfin ! Déjà parce qu'il serait très vite arrivé à court d'adversaires… Et puis quoi, pourquoi il n'aurait pas eu le droit à une certaine sensibilité lui ? Parce qu'il était gladiateur ? Parce que c'était un géant ? Tout ça ce n'était que des préjugés stupides. Bref, il était tombé en rade de laine et avait dû en catastrophe aller au magasin. Et là il avait fait la connaissance de Jacqueline avec qui il s'était vite bien entendu.
Elle l'acceptait comme il était, sans jugement. Il aurait aimé parié sur le nombre de personnes dans le public qui le pensaient analphabète… Il se serait fait un joli pactole.
Hohrrhh rêvassa quelques minutes au petit cottage qu'il pourrait s'acheter s'il en avait les moyens. Un jour peut-être… Il imaginait une charmante bicoque toute en hauteur (Il fallait qu'il y soit à l'aise, du haut de ses 3 mètres 36), avec plein de fenêtres aux volets bleus et rouges, des jardinières pleines de plantes en fleurs, un petit sentier de gravier qui mènerait du chemin à l'entrée. À l'arrière, un grand potager et des prairies pour garder du bétail. C'est qu'on a besoin de bien manger quand on est un géant !
Il aurait bien aimé avoir un chat également. En plus, il s'agissait d'un animal utile pour éviter les souris. Hohrrh détestait les souris et autres petits rongeurs. Il aurait pu inviter Jacqueline à venir boire un thé dans d'adorables tasses de porcelaines décorées d'oiseaux ou de fleurs multicolores. Jacqueline le comprenait, elle ! Elle n'avait pas trouvé ça bizarre du tout qu'il tricote. Elle lui avait même déjà envoyé différents modèles de bonnets, mitaines et autres écharpes. Elle l'avait invité à venir chez elle mais il ne pouvait pas passer la porte sans défoncer le plafond. Cependant sa nouvelle amie n'avait pas été découragée pour si peu et ils avaient fini par s'installer dans le jardin, lui assis par terre et elle confortablement installée dans 1 chaise à bascule. Voilà ce qu'il faudrait qu'il ai dans sa maison : une chaise à bascule pour quand Jacqueline viendrait le voir. Et une bibliothèque ! Il adorait la poésie, surtout les poèmes centauriens de la deuxième moitié du treizième siècle. Il en avait toujours les larmes aux yeux. Mais Rhumhn se fichait bien de tout ça et même lui interdisait formellement d'en parler.
Il grommelait régulièrement "Un géant barbare lettré et poète…. J'pensais avoir tout vu dans ce métier mais celle-là… on me l'avait encore jamais faite ! Tu parles d'une blague… C'est pas sérieux tout ça, j'vous jure…" Hohrrhh avait été très vexé que Rhumhn ne soit pas plus content que ça de l'écharpe qu'il lui avait offerte. Ça lui avait quand même pris trois mois pour la tricoter ! Quel ingrat ! Le géant sortit de sa rêverie. Son regard se fit plus ferme. Sa décision était prise. Il allait économiser autant que possible et dès qu'il aurait assez pour s'acheter sa maison et avoir encore après ça un pécule suffisant pour une petite vie confortable, à lui la retraite !
Il avait hâte d'annoncer sa nouvelle résolution à Jacqueline. Il était sûr qu'elle l'encouragerait.