TW : Esclavagisme, mention de blessure
Après le départ de la cavalière, l'inconnu se tourna vers les deux enfants. Il les observa quelques secondes, détaillant leurs vêtements, leurs regards, leur maigreur. Il s'arrêta soudain sur le visage d'Ovräm. Avant que le garçon ait pu esquissé le moindre geste, l'homme était juste devant lui et lui saisissait le menton dans une large main calleuse. Doucement, il força Ovräm à tourner légèrement la tête, exposant le large hématome qui commençait à apparaître sur sa pommette et sa tempe.
-Qui t'a fait ça?, demanda l'homme tout en le lâchant.
Il avait une voix de basse, profonde, vibrante, presque grondante. Ajouté à sa stature, cela le rendait encore plus impressionnant, surtout aux yeux de deux enfants perdus et maltraités. Idda se crispa, regardant alternativement Ovräm et le grand homme devant eux. Son compagnon de son coté, se contenta de baisser la tête en serrant les dents. Il se refusait à répondre. Ses émotions se mélangeaient, mêlée de honte, de rage, de peur.
-Qui t'as fait cela? Réponds.
-C'est... C'est un garde. C'est un garde ce matin., répondit une petite voix.
Idda, craignant que le silence d'Ovräm ne lui amène un nouveau coup, avait décidé, malgré sa peur, de répondre à sa place. Ce dernier lui lança un regard noir mais resta silencieux.
-Pourquoi?
Les deux enfants restèrent silencieux, Idda le regard baissé, Ovräm rougissant quelque peu tout en évitant les prunelles gris acier de l'adulte.
-Réponds. Pourquoi t'a-t-on frappé ? Tu ne seras pas puni.
La voix était calme, mais inflexible. Au lieu de calmer le garçon, elle raviva sa rage, lui faisant de nouveau sentir à quel point il était impuissant, à quel point il n'avait aucun choix, à quel point sa propre vie n'était plus sienne. Ovräm planta soudainement son regard dans celui de l'homme, tremblant de colère et répondit d'une voix sourde :
-Parce que je l'ai mordu!
L'homme le regarda sans rien dire. Idda s'était figée. La provocation n'était même pas masquée dans la réponse du garçon. Toute son attitude défiait l'homme. C'était tout ce qu'il lui restait comme liberté. La liberté de ne pas courber l'échine, de garder un esprit libre et de le revendiquer. Les mâchoires crispées, Ovräm attendait le coup qui, pensait-il, ne manquerait pas de tomber. A sa grande surprise, l'homme lui adressa un petit sourire narquois. Il tendit le bras et le garçon se raidit. Mais le coup n'arriva pas et à la place, une main calleuse lui ébouriffa les cheveux.
-Ainsi, tu parles. J'en suis ravi. Évite cependant de mordre quelqu'un. Notre maîtresse n'apprécierait probablement pas. Quels sont vos noms?
Déboussolé, le garçon répondit machinalement, imité par Idda.
-Bien, suivez moi. Nous rentrons à la maison.
Sans un mot de plus, l'homme leur prit la main et se mit à marcher. Il les guida, fendant la foule du marché, les menant par une suite de rues qu'ils n'eurent pas le temps de mémoriser. Après quelques dizaines de minutes de marche, il arrivèrent devant un portail s'ouvrant sur un large domaine. Sans hésiter, l'homme mena les enfants dans le domaine, vers une série de petits bâtiments aux murs blancs. Médusés, Ovräm et Idda regardaient autour d'eux. Le long d'une large allée de graviers se succédaient de grands arbres majestueux. Devant un grand manoir aux multiples fenêtres, ils voyaient une magnifique fontaine qui laissait entendre un chant cristallin. L'homme les guida sur un petit sentier discret, à l'écart. Ils cheminèrent sous l'ombre paisible d'arbres tels qu'Ovräm n'en avait jamais vu. Le gamin des rues était estomaqué par le luxe éclatant qui l'entourait. Il n'avait jamais rien vu de tel. Au bout de quelques minutes, Idda trébucha. La petite était épuisée après les mauvais traitements et les émotions fortes des deux derniers jours. Protecteur, Ovräm lui prit la main. Il ne remarqua pas le regard inquisiteur que l'inconnu leur jeta.
Après quelques minutes de marches supplémentaires, ils arrivèrent à un petit complexe de bâtiments bas, aux toits en terrasse et aux murs blanchis. Ils entrèrent par un petit hall. Plusieurs personnes, toutes habillées de façon similaire, allaient et venaient, sans prêter attention à leur arrivée. Seule une femme vint à leur rencontre, un large sourire aux lèvres, apostrophant leur guide tout en marchant :
- Ah! Te voilà! Tu nous ramènes des nouveaux à ce que je vois?
-Mhmm, elle a choisi ces deux enfants en effet...
-Je vois ça. Ça ne lui ressemble pas pourtant. Enfin... Le garçon a l'air costaud et dégourdi bien qu'un peu maigrichon. La petite pourra toujours aider au ménage j'imagine...
Ovräm, en entendant l'échange, foudroya la femme du regard. Elle était vêtu d'une tunique blanche lui arrivant juste au dessus des genoux, et d'un ample pantalon gris. Elle avait des yeux marrons qui lançaient un regard pétillant, des pattes d'oies marquaient son visage, Des rides commençaient à sillonner son visage. Ovräm aurait été incapable de savoir son âge mais à ses yeux d'enfants, elle paraissait vieille. Elle remarqua le regard assassin du garçon et ouvrit les yeux d'étonnement avant d'éclater d'un rire sonore.
-Celui-ci semble avoir du caractère! Et je parie qu'il a faim!
-Elle a ordonné qu'ils soient tous les deux nourris et vêtus convenablement. Alors si tu le permets, je vais les emmener à la cuisine, et les installer, répondit l'homme d'un ton agacé,
-Je t'en pris Arn, fais donc. Dois-je comprendre que tu es responsable de ces deux là?
Sans se donner la peine de répondre, l'homme prit la main des enfants et les entraina à sa suite vers un couloir. Dans leur dos, la voix moqueuse de la femme se fit entendre.
-Dans ce cas, bon courage mon ami! M'est avis que tu auras besoin de patience. Surtout avec le gamin!
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