Voici le background d'un nouveau personnage que je vais jouer en rp écrit dans l'univers de Pangée.
Mon premier souvenir, c’est la route. La route qui s’ouvre et se déploie sous mes yeux. La route poussiéreuse, qui sent les fleurs et le soleil. Et les bras de ma mère, fermement enroulés autour de ma taille, forts, apaisants, rassurants. Moi qui rebondit sur ses genoux à chaque cahot du chemin, tandis qu’elle me maintient en sécurité, sur le banc de conduite du chariot. Et le rire de mon père, à côté de nous, les rênes de l’attelage dans les mains, ses yeux pétillants de malice et de joie d’être en route. Je ne dois pas avoir plus de trois ou quatre ans. Devant et derrière nous s’étire la modeste caravane à laquelle nous appartenons, petite troupe de saltimbanques.
Je suis alors trop jeune pour réaliser que les cris de joies qui nous accueillent partout où nous allons s’accompagnent de froncements de sourcils et d’une certaine méfiance envers les itinérants que nous sommes. Je mettrai du temps à comprendre ceci. Il me faudra parcourir bien des sentiers, sous le soleil et la pluie.
Mais j’ai fini par prendre conscience de ma différence. Si la plupart nous accueillaient avec joie, à l’idée d’un spectacle, certains fronçaient les sourcils en me voyant, soudainement méfiants. Mes parents, ma famille, mon clan, se dressaient en bouclier autour de moi, m’évitant, sans que je le sache, d’être en butte aux insultes ou à pire. Un jour, un seul, cette surveillance a failli. Ma faute, vraiment. A sept ans, qu’est ce que l’on comprend à tout ça ; quand on grandit entourée de rires et de bienveillance, avec l’habitude de côtoyer des adultes indulgents. La surveillance continuelle m’agaçait. J’ai réussi à me faufiler et m’éclipser. Je voulais juste aller voir la course. Juste regarder. J’ai croisé la mauvaise route, pris le mauvais embranchement ce jour-là. Une leçon fut apprise, gravée dans ma chair sous la forme d’une longue cicatrice, serpentant de mon dos jusqu’à mon flanc droit.
Des gens plus charitables que les autres, qui s’excusaient presque de ne pas avoir pu faire plus, m’ont ramené à la caravane, à moitié assommée, tremblante de peur et de douleur, d’incompréhension aussi.
J’ai compris, réellement, ce jour-là, que mon apparence, à laquelle les miens n’accordaient aucune importance, était inhabituelle. J’ai appris qu’il me faudrait toujours rester prudente, que je ne devais accorder ma confiance qu’avec précaution.
Mais la blessure a guéri, et la route est si belle, le monde si plein de charme et empli de chants et de spectacles que nous offre la nature. Je refuse de me gâcher la vie parce que ma tête, surmontée de deux cornes torsadées, mes yeux noirs et comme emplis d’étoiles, ma peau bleue, si sombre comme un ciel nocturne, ne revient pas à certaines personnes bas du front.
On a découvert que j’avais certaines aptitudes et, bien qu’inquiets, les miens n’ont pas eu d’autres choix que de m’envoyer étudier au loin, à l’Akadama Vox, en Kar’Berial. Inquiets, mais fiers malgré tout. Là-bas, j’ai étudié, et étudié, et étudié encore. Je me suis fait quelques amis, Khezim, Barth, Isanya. Quelques inimitiées y sont nées également, certains ne supportant pas qu’une tieffeline ne les surpasse dans un domaine ou l’autre. Où que l’on aille, où que l’on soit, certaines personnes n’aiment pas les gens comme moi, ou même tout être un peu trop différent…
Ma famille, mon clan, ne manquait jamais de venir me voir quand la route les menait à proximité de l’Akadama. Et évidemment, toutes ces années, elle les y a menées bien plus souvent que la normale.
J’ai gardé mon esprit indépendant, rongeant mon frein, attendant, piaffant, et enfin, enfin le jour où j’ai reçu mon insigne, le jour où j’ai retrouvé ma liberté. Enfin, la route me tendait de nouveau les bras. Mes proches avaient compris avant moi que je ne repartirais pas à leurs côtés. Pas tout de suite. Avant cela, je dois faire mes propres découvertes, créer mes propres spectacles, trouver ma propre voie. Je le dois pour elle, que je ne mérite pourtant pas, quoi qu’elle en dise. Quand on est une tieffeline d'origine modeste, on ne fraie pas avec certains cercles, pas avant d’avoir fait la preuve de sa valeur en tout cas.
Mais ils étaient là, tous, les larmes aux yeux, le sourire aux lèvres, des chants plein la gorge et des danses plein le corps. Ils étaient là pour mon envol. Même elle, discrètement dissimulée, ravalant ses larmes pour ne pas teinter ma joie de voir la route s’ouvrir de nouveau devant moi.
Le monde est beau et il me tend les bras. Le ciel est vaste ; la route, infinie. Ma vie m’attend. Et je reviendrais la chercher, quand je serai digne d’elle.