Je regardais fixement la boite sur la table. Elle était relativement grande, bien cinquante centimètres d’arête au moins. Je n’avais aucune idée d’où elle venait, qui me l’envoyait. Je n’avais pas passé de commande de quoi que ce soit ces dernières semaines. Et pourtant, mon nom, mon adresse était bien inscrite sur l’étiquette, dans la case destinataire. Autre bizarrerie : autant mon nom et adresse étaient lisibles, autant la case expéditeur ne montrait qu’un gribouillis infâme indéchiffrable.
J’hésitais, mon
mug de café à la main. Ce colis m’était bien adressé. Peut-être
que je devrais l’ouvrir. Qui sait, peut être une lettre
explicative se trouvait à l’intérieur, avec je ne sais ce quoi.
Soudain, la boite sembla laisser échapper un petit gémissement
étouffé. Je sursautais puis jurais tout bas. Qu’est ce que
c’était que ce merdier ?
Je n’hésitais pas plus
longtemps, la curiosité l’avait emporté sur la prudence. J’allais
rapidement chercher une paire de ciseaux et commençait à découper
la boite.
Au bout d’à peine une minute, je soulevais le
couvercle et une exclamation de surprise incrédule m’échappa.
Là, tapie au fond de la boite, une créature incroyable me
regardait de ses trois paires d’yeux. Trois têtes s’étaient
tournées dans ma direction. L’une d’elle jappa d’un air
interrogatif, la deuxième bailla tandis que la dernière commençait
à ronronner comme un moteur.
Je reculais précipitamment. Le
bon sens me revint et je me dépêchais d’aller fermer les rideaux
de la pièce. Hors de question qu’un voisin ou un passant
n’aperçoive la créature, la chimère.
Je m’appliquais à
me calmer. Il existait surement une explication rationnelle à tout
ça. Un robot, c’est sûrement un robot extrêmement bien réalisé.
Après tout, les chimères n’existent pas. C’est bien connu. La
créature, en attendant, avait posé ses pattes avant sur le bord de
la boite et ses trois têtes m’observaient. La première, celle de
droite, ressemblait à une tête de chacal, la deuxième, au milieu à
un … dragon ? Une tête de dragon noire et dorée, avec deux
magnifiques cornes qui débutaient juste en arrière des oreilles et
partaient vers le cou, en torsade, encadrant une crête épineuse
située au milieu de la nuque. La dernière tête, plus classique,
m’évoquait un bébé lynx.
La chimère se redressa, appuyant
ses deux pattes avant terminées par des serres un peu plus fermement
sur le bord de la boite. Celle-ci bascula sous le poids de la
créature. Elle fit un roulé-boulé, tomba de la table sur une
chaise, puis sur le sol avec un jappement pitoyable.
Interdit,
je ne pouvais que l’observer. Si c’était bien un robot, je
tirais mon chapeau à ses concepteurs. Les trois têtes se
rejoignaient sur un poitrail large, musclé, couvert de fourrure
noire, grise et blanche. Dans son dos, au niveau des omoplates, deux
grandes ailes de plumes noires et dorés. Ses pattes arrières
étaient celles d’un mammifère alors que les antérieures
ressemblaient à des pattes de rapace. L’arrière train se
prolongeait avec une queue reptilienne, là encore noire et dorée.
La tête de dragon laissa échapper un glapissement suraigu
alors que la petite bête se prenait les pattes dans ses ailes en
tentant de se relever. Elle était à la fois effrayante et adorable.
Et manifestement jeune ?
Je m’avançais et l’aidait à
se relever. Je lui repliai les ailes sur le dos avec une petite
tape amicale. Elle répondit en se frottant contre moi, les têtes de
lynx et de dragon ronronnantes, celle de chacal avec un petit cri
joyeux.
Le pelage était doux et chaud sous mes doigts,
élastique. Je voyais la poitrine se gonfler et se dégonfler au
rythme de sa respiration. Ce n’était pas un robot, mais un
véritable petit animal… censé n’exister que dans les contes et
les légendes…
Je me relevai et retournai voir l’intérieur
de la boite, espérant un indice, un mot pour comprendre d’où elle
venait, pourquoi on me l’envoyait, de qui provenait le colis.
Je
sentais les ennuis arriver en pagaille.
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