Jade…
Je m’appelle Jade. Une peau tannée par le soleil, des yeux d’ambre et
des cheveux blancs tourbillonnants comme autant de volutes de fumées
indomptables.
Le regard
fixé sur le miroir face à moi, je caresse du bout des doigts les quatre
cicatrices qui ornent mon visage. Il s’en ai fallu de peu que je perde
mon œil gauche ce jour-là. Ce jour maudit. J’étais enfant, je ne savais
pas, je ne réalisais pas. La proximité du camp m’a donné une fausse
sensation de sécurité et j’en ai oublié la prudence. Quelques mètres
trop loin. Juste quelques mètres de trop. C’est ce qui a suffit à me
mettre en danger. C’est ce qui a suffit à causer sa mort.
Je
me souviens. La peur. La bile dans ma bouche. Je crois que j’ai crié en
voyant le grand félin se jeter sur moi. Je n’ai pas eu le temps de
fuir, juste de me tourner. Mais c’était trop tard. Les griffes étaient
sur moi. Je me souviens de la douleur, mon regard qui se brouille.
Il
est apparu d’un coup. Il s’est jeté sur le fauve en hurlant, armé
seulement d’une dague. Le coup fatal qui m’était destiné, c’est lui qui
l’a reçu. Il a tout juste réussi à blesser suffisamment le prédateur
pour que celui-ci préfère fuir des proies qu’il ne pensait pas aussi
dangereuse.
Ce jour là, mon père est mort dans mes bras, dans mes larmes et mes sanglots.
Je
me souviens les cris de ma mère. Je me souviens la cérémonie des
Adieux. Je me souviens le bûcher. Je sens encore sur moi les regards.
Ils ont eu beau me dire que je n’y étais pour rien. Que depuis le
cataclysme, la vie était ainsi, dure et cruelle. Je ne les ai pas cru.
Mon père est mort par ma faute.
De lui je n’ai gardé qu’une petite poignée de cendre dans un flacon suspendu à mon cou.
J’ai
grandi. Je suis devenue chasseresse. Désormais, je suis le prédateur et
les félins sont ma proie. Je ne laisserai plus personne mourir pour
moi.
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